Elle constituait la base de la médecine jusqu'au 19e siècle… Reléguée au rang de billevesée, la théorie des humeurs n'a cependant pas fini de hanter notre inconscient. Nous pensons qu'il y a des liquides qui doivent sortir du corps, parce qu'ils sont en trop. Il faut les faire couler… sinon on a des sautes d'humeur, voire pire.
Si vous tapez les mots «vagin artificiel», sur internet, vous tombez presque immédiatement sur cette définition : «Tube de collecte du sperme des mâles reproducteurs employé dans les centres d'insémination artificielle». Si vous continuez la recherche, vous trouvez la vidéo d'un «extracteur automatique» que les Chinois ont mis au point récemment afin d'améliorer les rendements de collecte. L'extracteur est une machine en mode «main-libre», c'est à dire dotée d'un orifice mobile qui va et vient de façon mécanique : il suffit que le mâle (reproducteur, donc) insère son pénis et se laisse traire comme une vache. Plus besoin de se fatiguer. La machine pompe, remue et vibre énergiquement, jusqu'à aspirer la dernière goutte d'un liquide qui, s'il faut en croire les médecins, ne doit pas rester stocké dans les bourses, car cela nuit à la santé. Il y a deux fois moins de cancers de la prostate chez les hommes qui se soulagent régulièrement, disent-ils… Et probablement deux fois moins de divorce, de crises cardiaques ou de délinquance : on attend les études qui nous le prouveront, noir sur blanc.
Faut-il s'en étonner ? Les marchands de sextoys pour homme ont adopté le même discours hygiéniste que les thérapeutes. Leurs vagins artificiels sont vendus comme de précieux adjuvants à la vie de couple (il s'agit de soulager les épouses qui s'ennuient ferme lorsqu'on les pénètre) et surtout comme d'indispensables objets de salubrité publique : videz-vous, ça fait du bien. Videz-vous, ça vous calmera.
Continuant à taper «vagin» sur internet (il y a des jours comme ça…), on finit d'ailleurs par trouver ces salvateurs objets. Sur le site marchand américain Amazon, ce n'est pas le livre Les monologues du vagin qui sort en premier avec ce mot-clé, c'est le Fleshlight vagin Lotus Katsuni. Les Fleshlight sont des gadgets sexuels pour homme en forme de lampe-torche (flash-light en Anglais). Ils sont tapissés à l'intérieur d'un élastomère gélatineux destiné à la pénétration. Leur embouchure caoutchouteuse reproduit une vulve de porn-star et c'est apparemment ce qui fait leur succès car les consommateurs de vagins artificiels réclament davantage qu'un orifice déshumanisé. Dans son anthologie The big book of Pussy, Diane Hanson raconte : «Si Fleshlight est le sextoy le plus vendu au monde, c'est en grande partie parce que les différents modèles portent le nom de stars du porno. Pourquoi baiser du latex anonyme quand on peut baiser Riley Steele, Eva Angelina, Jenna Haze, Lupe Fuentes, Tera Patrick et Katsuni ? Ou tout du moins un moule très détaillé de leurs vulves dissimulé dans une lampe-torche factice».
Ainsi donc, les moulages de vulve offrent l'illusion de se satisfaire dans une femme et pas n'importe laquelle. Katsuni, par exemple. Non seulement elle a été payée pour que la firme fasse l'empreinte de son sexe mais elle perçoit un pourcentage sur chaque vente. Le créateur des Fleshlight gagne lui-même des sommes faramineuses sur la commercialisation de ces vagins haut de gamme. Il s'appelle Steve Shubin et dans une longue, passionnante interview accordée à Diane Hanson, il livre sur l'univers des ersatz vulvaires d'étonnantes analyses… dont la portée dépasse probablement sa pensée.
«Je n'ai pas créé ce produit juste pour que les gars aient un nouveau jouet, dit-il. Je ne pense pas que la femme soit sur Terre pour satisfaire les désirs sexuels des hommes. C'est à l'homme d'en prendre la responsabilité. Je voulais créer une alternative valable à la branlette manuelle, pour que les femmes n'aient plus à subir nos pulsions. (…) Nous mettons les hommes au défi de gérer leurs désirs de façon saine et propre. Un organisme qui n'est pas entretenu correctement provoque des problèmes physiques et psychologiques.» Pour Steve Shubin, les reproductions de vagin ont la valeur de garde-fou. Ils protègent les femmes d'assauts indésirables et, mieux encore, ils protègent les hommes de leurs propres penchants destructeurs.
Baiser, écraser et jeter
Car, estime Steve, rien n'est plus dangereux qu'un homme rendu hystérique par le manque. S'il ne décharge pas, il peut prendre une arme à feu. «Je suis un ancien flic de la région de Los Angeles», argumente-t-il. Sous-entendu : je sais de quoi je parle. Lorsque sa femme était tombée enceinte, il y a environ 20 ans, l'oeuf s'étant dédoublé, un médecin avait dit au couple : «Vous allez avoir des jumeaux, vous avez la quarantaine tous les deux, c'est une grossesse à risque. Il faut éviter tout rapport sexuel pendant neuf mois.» «La claque aurait été moins douloureuse s'il m'avait annoncé que j'avais un cancer, raconte Steve Shubin, parce que subir une chimio, cela ne me fait pas peur, mais pas de sexe pendant neuf mois, c'était une perspective terrible. Mon ancien métier de flic m'a appris comment les gens expriment leur frustration sexuelle, ce n'est pas joli».
Bien décidé à ne pas tromper sa femme, bien décidé surtout à ne pas craquer nerveusement, Steve Shubin entre dans des sex-shops à la recherche d'une solution. Hélas, «la seule chose qu'ils proposaient étaient ces horribles machins en plastique qui font leur mauvaise réputation.» Steve ressort, dégoûté. «Quand j'étais flic, j'étais déjà entré dans des magasins pour adulte, mais c'était plutôt à la poursuite d'un taré qui traversait la boutique pour sortir par-derrière», dit-il. Rentrant chez lui après cette tentative infructueuse, Steve décide alors de se fabriquer pour lui-même un « élément corporel à usage sexuel» qu'il fabrique en mélangeant des polymères avec de l'huile minérale sur une plaque électrique. Moins de cinq ans plus tard, le voici à la tête d'une entreprise de 300 salariés, fier non seulement de sa réussite, mais du cadeau qu'il a fait aux femmes : grâce au Fleshlight, les malheureuses n'ont plus à servir de serpillères ni d'éponges. Les hommes peuvent se vider dans un produit élégant et surtout «responsable», affirme-t-il, ajoutant, avec un mélange de démagogie et de brutalité :
«Vous savez, je dis souvent que Fleshlight c'est la seule chose que vous pouvez baiser, écraser et jeter par la fenêtre à grande vitesse sans aller en prison. S'il faut que cela sorte, allez-y, et ensuite vous pourrez avoir une vraie relation».
Que peut-on déduire de ces propos ? Que Steve se considère comme un bienfaiteur de l'humanité ? Ou que les mâles de l'espèce humaine ne sont à ses yeux que des criminels en puissance, portant leurs testicules en bandoulière et leurs munitions de sperme, chargés à bloc de testostérone, de rage et de fureur ?
De la théorie des humeurs
Il est presque impossible, lorsqu'on lit son témoignage, de ne pas faire le lien avec ces croyances anciennes qui perdurent en Occident jusqu'au 19e siècle et qui attribuent l'origine des désordres à des «débordements» organiques. Les fluides ne sont pas sortis, pense-t-on. En quantité trop élevées, ils ont fini par corrompre l'organisme et l'âme des patients… D'où vient cette croyance ? De la théorie des humeurs. Au 5e siècle avant J-C, le traité De la nature de l'homme, attribué à Hippocrate, énonce les axiomes qui structurent encore de nos jours l'imaginaire occidental. La nature de l'homme, c'est d'avoir des humeurs, littéralement des fluides organiques dont la quantité peut varier dans le corps : le sang, le flegme, la bile et l'atrabile. En cas de déséquilibre, les maladies physiques et psychiques se déclenchent…
Une personne trop sanguine devient trop émotive, voire apoplectique. Elle fait «un coup de sang» et jusqu'au 18e siècle le seul remède est la saignée. Sous l'effet d'une surdose de flegme (une substance maintenant appelée synovie), la voilà qui sombre dans un état d'apathie profonde. Le bilieux, lui, se «fait de la bile» : inquiet, nerveux, il est enclin à des colères qu'il ne maîtrise plus. Quant à l'atrabilaire, saisi par la mélancolie, il devient triste à en mourir… et cède parfois à la folie, dans une alternance d'états dépressifs et d'états extatiques. C'est un bi-polaire, souffrant de ce que le DSM nommait autrefois une «psychose maniaco-dépressive».
Dans une magistrale étude sur Le sang noir, l'éthnologue Bretrand Hell souligne que jusqu'à l'invention du vaccin contre la rage, les médecins continuent de traiter les patients à l'aide de purges et de vidanges. Il s'agit de les protéger contre un bouillonnement excessif des humeurs, car elles poussent les êtres à attraper des fièvres. Sous l'effet de la canicule, les femmes devienne des «dévoreuses de mâle» affirme Aristote (Problème XXX). Quant aux hommes, ils ont tout intérêt à faire l'amour en été, car la «rétention du sperme est perçue comme une menace virtuelle de dessèchement et de maladie. Cette conviction découle d'une conception très ancienne selon laquelle la semence masculine est une substance particulièrement chaude et sèche. Pour les Pythagoriciens, elle véhicule un souffle igné, et toute la médecine antique, puis médiévale, explique la génération en termes d'embrasement et d'ébullition. (…) L'absence de coït favorisant les affections mélancoliques, les médecins n'hésitent pas, à l'exemple de Constantin l'Africain (Opera) ou d'Avicenne (Canon III), à prescrire à leurs patients des rapports sexuels réguliers» (1).
Au 2e siècle, Rufus d'Ephèse écrivait : «Le commerce charnel apaise la fureur.» Au 19e siècle, des vétérinaires corroborent la croyance selon laquelle les chiens privés de coït contractent souvent la rage. Pourquoi ? Parce que le sperme s'est calciné en eux. De la même manière, les êtres humains peuvent devenir sauvages et retourner à l'état de bête s'ils laissent des humeurs stagner, car elles finiront par se coaguler, devenir noires et dégager des fumées âcres comme un poison… De façon significative, les personnes frappées par la rage sont d'ailleurs associées à des chiens, symboles du désir torturant. Tout comme les chiens, les malades de la rage entrent d'ailleurs dans des fureurs bestiales telles qu'il faut les garotter dans leur lit… «La puissance physique de l'enragé se prolonge dans une ardeur sexuelle non moins stupéfiante, rapporte Bertrand Hell, les témoins signalent une érection persistante et un phénomène d'éjaculation continuelle. Ce déchaînement sexuel des malades n'étonne pas. On estime qu'il répond, sur le plan physiologique, à la nécessité d'expulser un liquide séminal devenu brûlant».
Les enragés eux-mêmes sont tellement persuadés qu'ils sont en train de se métamorphoser en chien qu'ils demandent à leurs proches de les mettre hors d'état de nuire, terrifiés par l'envie qu'ils ont de mordre et de transmettre à leur tour cette fureur sexuelle. La plupart adoptent des postures animales, aboient, grincent des dents, avancent à quatre pattes et menacent constamment de sucer le sang des autres, voire de manger de la chair humaine. La peur de la contagion est telle que l'église et les autorités ordonnent la mise à mort des malades : des bonnes âmes se chargent de les étouffer dans leur lit, de les empoisonner ou de leur ouvrir les veines. Les médecins eux-mêmes font œuvre de salubrité publique en exécutant des contaminé(e)s. Il arrive que des régiments soient chargés d'abattre à coups de fusil des villages entiers par peur de l'infection. Balzac, en 1810, propose un projet de loi au gouvernement interdisant l'étranglement et l'étouffement des enragés. Même les lépreux sont soignés et reçoivent la sainte onction dit-il, pourquoi abattre les malades de la rage ?
Bertrand Hell répond : «Il s'agit d'annihiler le ferment de bestialité que l'enragé introduit au sein de la société.» Les fondements de cette peur collective n'ont pas disparu. Au 21e siècle, il y a encore des hommes pour dire qu'il est préférable de se vider de sa fureur plutôt que de rester sur sa faim… Qu'il est préférable de baiser un sextoy, puis de le détruire, parce que ça fait du bien… Le désir nous possède tous et toutes. Nous l'avons dans le sang, dans le sperme, dans la bile et nous devons veiller à ce qu'il ne nous consume pas.
Comment photographier une vulve sans sombrer dans la vulgarité? Le photographe Frédéric Fontenoy se met en scène dans des photos érotiques, habillé d'un costume strict, orné de la légion d'honneur, armé d'une canne qu'il brandit contre des femmes aux corps de poupées. La guerre se profile derrière ces photos inspirées par… Bataille.
Dans la famille de Frédéric Fontenoy, il y a un grand-père juif qui s'est caché pendant la guerre et un grand-père collaborateur qui a disparu dans le Berlin en flammes de 1945… «C'était assez tabou de parler de lui dans la famille. En faisant des recherches sur le web, j'ai lu qu'il avait été condamné par contumace à 20 ans de prison, en 1947 (1)». Dans la famille de Frédéric Fontenoy, il y a aussi d'étranges grands-mères au passé tumultueux, des amants dans les placards, des histoires mises sous clé et toutes sortes de non-dits qui finissent par sortir à la faveur d'étranges hasards… «Après mon école de photographie, je me suis passionné pour un artiste, Hans Bellmer, qui avait fui le nazisme et s'était installé en France avec les photos de sa poupée. J'ai tout lu, tout vu de lui, et un jour j'en parle a mon père qui me sort des livres rares de Bellmer et surtout des dessins, des portraits de ma grand mère réalisés par Bellmer, des photos… Ils avaient été amants ! Ma grand-mère Lizica (la femme de Jean Fontenoy le collabo) avait été la maîtresse de Bellmer avant-guerre et mon père l'avait connu… On sait ce qu'il y a dans les placards.» Mais ça fait toujours une sacrée surprise.
A l'âge de 40 ans, fatigué de s'apercevoir qu'il ne sait rien de son passé et qu'il est l'héritier d'un lourd patrimoine de secrets, Frédéric Fontenoy décide d'affronter la vérité. Il mène parallèlement deux recherches, qui finissent par n'en plus faire qu'une. Tout en fouillant dans les archives la trace de ce grand-père maudit (2), Frédéric Fontenoy s'inspire de ses lectures de Georges Bataille pour photographier des sexes de femme. Il n'y a, a priori, aucun rapport entre les deux démarches. Et pourtant si…
Tout commence par L'histoire de l'oeil, une nouvelle cauchemardesque de Bataille. Frédéric la dévore. C'est l'histoire d'une femme (Simone) qui trouve excitant d'enfoncer des choses rondes et laiteuses dans ses orifices. Elle s'assoit sur une assiette qui contient le testicule d'un taureau, globe laiteux et mou qu'elle compare à un oeuf mollet… Plus tard, après avoir abusé d'un prêtre qu'elle fait éjaculer dans les hosties, Simone s'enfonce avec délice l'oeil encore chaud du prêtre dans le vagin… Pour Frédéric Fontenoy, il n'est pas innocent que le représentant de la morale religieuse soit énucléé: ainsi périssent (dans l'oeuf) ceux qui condamnent le sexe et la nudité. «Il y a les prêtres et les garants de la morale, qui voudraient nous empêcher de voir à quoi ressemblent des sexes nus et d'en jouir, explique-t-il. A leurs yeux, les organes génitaux sont sales.» Et puis il y a des photographes qui, dès l'apparition des premières chambres noires, s'obstinent à dévoiler la vérité toute nue… A travers ses photos, Frédéric Fontenoy rend hommage à ces pionniers. Il veut rendre aux organes leur beauté. Mais comment photographier une vulve sans tomber dans l'imagerie pornographique?
«Une de mes premières photos, c'était un sexe de femme au-dessus d'une assiette de lait, dit-il. Le lait avait éclaboussé la peau nue comme une giclée de sperme. Pour une autre photo, j'avais demandé à une amie céramiste de fabriquer une boule de porcelaine et de s'introduire cette boule dans le sexe, en lui demandant de le repousser, pour que le globe ressorte à la façon d'un oeil…”. Il semblerait que la seule façon de rendre un sexe beau ou troublant soit de l'enchasser, par association d'idées, dans un réseau de symboles… afin que le sexe ne soit plus seulement cette chose illicite que l'on n'a pas le droit de voir, que l'on a honte de voir ou que l'on s'autorise tout juste à voir, mais un objet de réflexion qui nous renvoit à nos propres limites et qui nous force à les dépasser…
Créée l'été dernier, la collection Eros Singuliers donne la parole à ces oubliés de l'histoire littéraire, les fous, les mystiques ou les obsédés solitaires qui consacrent une part secrète de leur vie à des oeuvres d'un érotisme parfois saisissant et… honteusement dissimulé.
Collectionneur de curiosa, le psychanalyste Jean-Pierre Bourgeron découvre un jour chez un brocanteur cinq caisses remplies de petits manuscrits et d'obscénités délirantes… S'amusant à déchiffrer les pattes de mouche qui recouvrent les minuscules bouts de papiers (la plupart du temps, ce sont des “enveloppes de papier toilette”), Jean-Pierre Bourgeron découvre avec surprise qu'elles ont été écrites par un curé de campagne né vers 1900 dans la Beauce et qui défraya la chronique en s'enfuyant un jour sans que nul ne sache où, ni pourquoi. «Des policiers, des gendarmes et même un fakir s'étaient mis à sa recherche». Après bien des jours, il fut retrouvé en Belgique avec sa maîtresse enceinte. L'affaire fit le régal des caricaturistes mais ce n'était qu'une affaire de moeurs parmi beaucoup d'autres dans cette région rurale. Elle fut donc rapidement oubliée. Lorsqu'il revint sur le droit chemin, nul doute que le curé joua les repentis modèles… Il reprit donc son sacerdoce et se paya même le luxe d'être un fervent pétainiste. «Ses nombreux sermons retrouvés le montrent comme un prêtre respectueux des traditions, explique Jean-Pierre Bourgeron. Ses dernières années se dérouleront dans une institution proche de Monseigneur Lefèvre et des intégristes. Il décède à la fin des années 70. De nombreux témoignages de paroissiens attestent d'une vie exemplaire faite de compassion et d'humanité».
Aucun d'entre eux, bien évidemment, ne sait que ce curé modèle mène une vie parallèle: «A côté de cette vie d'apôtre, l'abbé a une vie secrète, faite de fantasmes et d'activités avec des partenaires recrutés par petites annonces». Dans les cinq caisses de papiers, Jean-Pierre Bourgeron retrouve des lettres salaces que le curé échange avec des ami(e)s partageant les mêmes goûts. L'abbé est travesti, dans tous les sens du terme. A la fois parce qu'il cache sa véritable nature au monde et parce qu'il aime porter des lingeries… Dans des textes touchant au délire, il s'invente une dizaine de personnages féminins et joue, sous ces identités d'emprunt, toutes sortes de scénarios tournant autour d'une maison close spécialisée dans les «chatouillantes cérémonies». Baptisé «Slavecul«, «Loulou», «Blanchette», «Susma Belpine», «Queue Cebon», «Monj Oujoumouill», «Essa Gigote» ou bien encore «Loulette», l'abbé s'amuse à décrire les séances des petites pensionnaires de son théâtre intime… Les textes oscillent entre poésie naïve et incantations monomaniaques. «Je suis de sexe poule –complètement douée– et (…) tant de la demeure de mes cuisses incandescentes, élancer en des lèvres gourmandes ou piquantes, le foutre brûlant qui comble et rassassie sur la caresse la plus passionnée qui puisse s'inventer en d'énivrantes et renouvelées branlades qui auront toujours mes préférences appliquées et aussi originales que souhaitables que sublimes dans le rêve le plus pervers».
Fasciné par la singularité de cette écriture, Jean-Paul Bourgeron contacte plusieurs éditeurs pour leur proposer de publier ces oeuvres qui confinent à l'art brut. Ce projet lui tient d'autant plus à coeur que plusieurs brocanteurs, connaissant son intérêt pour les trésors honteux de famille, lui proposent d'autres documents tout aussi étonnants… Il y a vraiment de quoi faire une collection, pense-t-il. Mais en France, aucun éditeur ne se montre intéressé. C'est finalement à Lausanne, en Suisse, que Jean-Pierre Bourgeron trouve un écho favorable, auprès d'une fondation unique en son genre, la fondation FINALE, qui se donne pour mission de réunir les créations inspirées par l'érotisme, sous forme d'écrits et d'oeuvres d'art. Le créateur de cette fondation, Michel Froidevaux, décide immédiatement de publier les textes découverts par Jean-Pierre Bourgeron. «Je suis historien de formation, explique-t-il. Il y a un plaisir rare dans le fait de travailler sur des documents authentiques inédits… Surtout des textes aussi insolites, réchappés de justesse à la décharge et à l'usine d'incinération.» Quand quelqu'un meurt et que —de ses placards— sortent les dessous d'une vie en apparence réglée, les descendants ont toujours le réflexe de jeter et de détruire ce qui pourrait ternir la mémoire du mort… Pour Michel Froidevaux, c'est du gâchis. Combien de chefs d'oeuvre bizarres finissent à la poubelle?
Au 19e siècle, sous prétexte qu'une femme sur quatre souffre d'hystérie, les médecins pratiquent le "massage de la vulve" à l'aide de procédés pseudo-thérapeutiques. Le plus connu d'entre eux —Mortimer Granville, inventeur du vibromasseur— est le héros d'un film au titre révélateur: Oh my god! (Hysteria).
Jusqu'en 1952, date à laquelle l'hystérie est officiellement retirée de la liste des pathologies, les médecins considèrent que les femmes qui souffrent de privation sexuelle sont des “malades”. Pour les “soigner”, suivant des règles quasi inchangées (1) depuis l'apparition du mot hystérie (au 5e siècle avant Jésus-Christ), ils procèdent à des massages vulvaires. Russel Thatcher Trall, médecin américain, observe en 1873 que ces massages vulvaires représentent pour les praticiens une véritable manne financière: «Plus des trois quarts de l'ensemble de la pratique des médecins portent sur le traitement de maladies particulières aux femmes» dit-il pudiquement. En clair: sur les quelques 200 millions de dollars de revenu global annuel de la profession aux Etats-Unis, «trois-quart de cette somme —soit 150 millions— proviennent des femmes fragiles». En Angleterre, en France, en Autriche, même chose: les médecins reçoivent chaque jour des dames de bonne famille, des veuves ou des épouses délaissées qui viennent les consulter parce qu'elles s'inquiètent d'avoir de “mauvaises pensées”, des “bouffées de chaleur”, “l'humeur maussade”, des “crises d'anxiété” et la “poitrine oppressée”. Les médecins savent parfaitement quelle est l'origine du mal mais plutôt que de prescrire à ces femmes une bonne masturbation, ils marquent le mot “hystérie” en latin sur la fiche de consultation puis procèdent, avec un professionnalisme teinté d'agacement, au traitement thérapeutique qui s'impose…
Installant tout d'abord leur patiente sur un siège gynécologique confortable, ils placent, comme un voile pudique, une tenture par-dessus ses jupes qu'ils relèvent d'un geste expert avant de se frotter les mains avec des huiles aux effets chauffants. Il n'y a ensuite plus qu'à introduire quelques doigts dans le vif du sujet… et “soulager la congestion”, autant que le porte-monnaie de madame. La séance dure entre 20 et 60 mn. Certains médecins s'en font une spécialité. Le traitement de l'hystérie est une science plus que lucrative mais ceux qui la choisissent s'ennuient ferme, semble-t-il. Dans Oh my god!, comédie romantique plutôt enlevée, le métier est décrit comme une sorte de routine hilarante, aux effets plus que délétères sur les articulations de la main: c'est qu'il faut avoir un sacré tour de poignet pour faire jouir entre 5 et 10 patientes par jour.
Très librement inspiré d'une histoire vraie, Oh my god ! (Hysteria en Anglais), racconte l'histoire de celui qui inventa le premier vibromasseur officiellement recensé de l'histoire: Mortimer Granville. Le dossier de presse du film présume ainsi l'histoire: «Dans l'angleterre victorienne, Mortimer Granville, jeune et séduisant médecin entre au service de du Dr Dalrymple, spécialiste de l'hystérie féminine. Le traitement préconisé est simple mais d'une redoutable efficacité: donner du plaisir pour soulager les troubles! Le docteur Mortimer y met toute sa ferveur mais bientôt une vilaine crampe à la main l'empêche de pratiquer… Avec la complicité de son meilleur ami, un passionné de nouvelles technologies, il met au point un objet révolutionnaire: le premier vibromasseur…». L'histoire est drôle, bien filmée, bien tournée et décrit de façon réjouissante cette pratique médicale qui consistait, au 19e siècle, à faire jouir ses patientes sous couvert de les soigner. Dans le film, Mortimer Granville est présenté comme un véritable libérateur qui, par amour pour une suffragette, adopte la cause des femmes. Il semblerait que dans la réalité, Mortimer ait été beaucoup moins révolutionnaire que ce que le film voudrait faire croire…
Créé à l'intention exclusive des hommes, son vibromasseur n'avait pas pour vocation de soigner l'hystérie. Mortimer Granville déconseillait en tout cas fermement que l'on utilise son vibromasseur sur les femmes, incapables, selon lui, de supporter l'ébranlement causé par les vibrations de l'engin… Peut-être craignait-il qu'elles n'en tirent trop de bonheur? Il faut savoir que jusque dans la seconde moitié du 20e siècle, les médecins trouvent profondément suspect le plaisir que les femmes se donnent… Certains rendent la masturbation responsable de “l'aversion conjugale”… Propos qu'on peut encore entendre dans la bouche de certains psychologues de nos jours qui accusent les sextoys d'être “segmentants” (entendez par là “nocifs pour le couple”) ou encore “addictifs” (c'est bien connu, les femmes perdent facilement la tête dès qu'elles jouissent)…
Il semblerait que longtemps le baiser n'ait guère été éloigné de ce que ce mot signifie quand on le conjugue en verbe: embrasser c'était baiser. Dans Contribution à la théorie du baiser, Alexandre Lacroix se demande pourquoi cette obscène «soudure de tubes digestifs» a fini par symboliser l'amour.
Vous ne vous embrassez que deux fois dans la journée, vite-fait avant le travail? Il a oublié de le faire ce matin? Elle s'écarte stratégiquement quand vous vous approchez d'elle? Il y a «comme un froid sur tes lèvres», suggère Alexandre Lacroix qui augure mal de votre relation future… Dans un essai à la fois horripilant et lumineux, Contribution à la théorie du baiser, Alexandre Lacroix affirme que sans cette marque d'affection un couple ne peut survivre longtemps. «Pour mesurer la force du lien sentimental, il suffit d'observer la régularité, la durée et l'intensité de leurs baisers. Rien n'est plus destructeur à la longue que l'oubli du baiser.» On pourrait se révolter contre cette forme de diktat insidieuse qui assimile le “calin” conjugal, l'insupportable mamour buccal, à une preuve d'affection… mais ce serait sans compter sur la force des symboles qui structurent notre vision du monde. Même ceux et celles qui se défendent d'aimer cette accolade faciale ne peuvent s'empêcher d'être heureux quand, dans un film hollywoodien, les deux héros échangent un long baiser!
Quand on se marie, il faut s'embrasser, c'est tout dire. Il n'est écrit nulle part que cela soit obligatoire mais personne ne comprendrait que vous n'embrassiez pas votre époux(se) à la fin de la cérémonie…
Dans son essai, Alexandre Lacroix propose quelques pistes de réflexion pour mieux comprendre ce réflexe conditionné qui consiste, chez nous, à embrasser pour signifier qu'on aime.
Première théorie: le baiser serait un symbole chrétien. «Les Romains différenciaient trois manières de s'embrasser, liées chacune à des relations spécifiques et désignées par des termes distincts. Il y avait le basium —contact des lèvres sans intromission de la langue— qui s'échangeait entre membres d'une même famille, par exemple entre père et fils. Venait ensuite l'osculum, qui se donnait entre pairs, membre d'une même corporation ou d'un même ordre social, et qui valait aussi comme marque de respect. Enfin, les Romains ne dédaignaient pas le suavium, baiser langoureux et lascif se donnant la bouche ouverte. Loin de réprouver ces coutumes, les chrétiens les adoptèrent avec enthousiasme. Ils y étaient d'ailleurs explicitement invités par Paul de Tarse, qui déclare, dans son Epitre aux Thessaloniciens: “Saluez tous les frères par un saint baiser”. Rien de tel évidemment pour déchaîner les mauvaises langues».
Le 29 octobre dernier, le site Slate publie un article (traduit par Peggy Sastre) avec ce titre volontairement perturbant… L'occasion de se pencher sur les dernières théories concernant l'origine de l'homosexualité. S'agit-il d'inné, d'acquis ou d'un subtil mélange des deux, assaisonné d'une touche de luxe, d'amour et de volupté ?
«Un couple d'anthropologues de l'université d'État de Washington, Barry et Bonnie Hewlett, pense avoir trouvé une société dénuée de sexe gay», annonce le journaliste américain Jesse Bering. Cette société se trouve en Afrique centrale. Il s'agit d'un groupe de paisibles chasseurs-cueilleurs, les Akas, constitué de communautés nomades. En tout, les Akas représentent 20 000 personnes. Si l'on part du principe que les homosexuels représentent au minimum 2% des mâles humains, il devrait y avoir 400 gays chez les Akas. Or il y en a… zéro. Serait-ce que les Akas répriment l'homosexualité d'une manière radicale? Non.
Aucun tabou, aucun interdit concernant l'amour entre hommes. Et pour cause: les Akas ignorent tout simplement cette notion (1). Elle n'existe pas dans leur culture. Pour comprendre cette étonnante “ignorance”, il faut savoir que les Akas constituent un groupe régi par des règles tout à fait différentes des nôtres. Chez eux, les hommes s'occupent à part égale des enfants (2) et les femmes participent à la chasse autant que leurs frères, leur père ou leur époux. «Les Akas sont connus pour l'extrême flexibilité de leurs rôles de genre et la quasi absence de stéréotypes genrés au sein de leur société. Autre détail d'importance, par rapport aux normes occidentales, les Akas sont extrêmement ouverts en matière de sexualité. Les enfants miment des rapports sexuels en public, sans que leurs parents ne trouvent rien à y redire, les paroles d'une comptine Aka imitent les vocalisations de deux personnes en pleine partie de jambes en l'air, et les adultes discutent librement de sexualité lors des feux de camp.» C'est justement pendant ces soirées de confidence que les deux anthropologues se sont étonnés d'entendre que les Akas faisaient l'amour trois à quatre fois par nuit. S'agissait-il de vantardise? Non.
Le sein ne sert pas seulement à nourrir les bébés ni à les “porter” comme dans un nid protecteur. Il constitue le premier spectacle d'un bébé, et détermine certainement sa vision du monde. Serions-nous déterminés par les seins qui nous ont nourris à avoir confiance en l'avenir?
En 1498, Christophe Colomb écrit dans une Lettre aux Rois catholiques que la forme de l'autre hémisphère terrestre est exactement celle d'un sein: «J'ai toujours lu que le monde -terre et eau- était sphérique (…). Mais je soutiens qu'il est comme serait la moitié d'une poire bien ronde à l'extrémité élevée, ou comme serait un téton de femme sur une pelote ronde. (…)
Je crois que cette terre dont Vos Altesses ont ordonné maintenant la découverte sera immense (…). Je ne conçois pas que le Paradis terrestre ait la forme d'une montagne abrupte, comme les écrits à son propos nous le montrent, mais bien qu'il est sur ce sommet, en ce point que j'ai dit, qui figure le mamelon de la poire, où l'on s'élève, peu à peu, par une pente prise de très loin.»
De façon étonnante, cet homme qui compare la part du monde qu'il a découverte à un sein de femme, entretient des liens très intimes avec les femmes chargées d'allaiter: frappé par la disgrâce, c'est à la nourrice de Don Juan de Castille, en 1500, qu'il envoie une lettre remplie de plaintes et de doléances… Qui pourra le sauver à part une femme au giron profond? Il a traversé l'océan parce qu'il savait, au fond de lui, que la terre était comme sont les belles pommes des femmes.
Il n'a pas été le seul. Des dizaines de siècles avant Corpernic ou Galilée, les êtres humains avaient déjà conscience que la terre était ronde, ainsi que les autres astres tournoyants (1)… S'étonnant que nos ancêtres aient eu cette prescience de la sphéricité du monde, le psychanalyste Manuel Perianez suggère une hypothèse: et si les humains, ayant été allaités, avaient été conditionnés à voir la terre comme une sphère? Définissant la femme allaitante comme «premier horizon dans l'échange de regards», Manuel Perianez souligne que les nouveaux-nés ont une vision semblable à celle d'un oeil de poisson: «On sait désormais combien est aiguisée la vision des nouveaux-nés dans un champ ovale gauche/droite restreint à cette zone de la mère qui les intéresse le plus», dit-il avec humour, suggérant l'image d'un sein agrandi aux dimensions d'un globe céleste… Il en déduit que cette vision a certainement un impact sur les cerveaux humains. Citant Mélanie Klein («Il n'est pas exagéré de dire que d'après la première réalité de l'enfant le monde est un sein»), Manuel Perianez ajoute: «Cet espace de la mère-horizon, allié à une solide expérience positive de l'indestructibilité de la courbe (2), pourrait être à l'origine des vocations des grands aventuriers et explorateurs. Comment ne pas penser ici à Christophe Colomb, à son étonnante certitude de la rotondité terrestre et son impavidité à voguer vers un horizon longtemps vide».
Il semblerait qu'il y a environ 12 000 ans, en France et en Espagne, les hommes aient scarifié, percé et tatoué leur pénis de façon très courante. De quels motifs ornaient-ils leur sexe? De points, de lignes, de triangles et de cercles.
"L'art phallique" constitue apparemment une catégorie officielle de l'art paléolithique, car c'est par cette jolie expression que certains chercheurs désignent le 21 octobre, dans la revue The Journal of Urology les dernières découvertes en matière de sculptures anthropomorphiques. En analysant les décorations qui ornent des pénis sculptés de l'âge des cavernes, Javier Angulo, chercheur à l'hôpital universitaire de Getafe (Espagne), et l'anthropologue Marcos Garcia-Diez ont découvert que nos ancêtres n'avaient pas attendu le développement de la culture gay SM pour infliger à leur organe toutes sortes de supplices… allant jusqu'à l'inciser ou le circoncir. Angulo affirme qu'il s'agit là des premières traces répertoriées de modifications génitale. «A cette époque déjà, il ne s'agissait probablement que de s'approprier son identité, explique-t-il. Les cicatrices que les hommes se faisaient étaient une façon d'écrire leur histoire sur leur peau. C'était ornemental. C'était aussi une façon ritualisée de prendre sa place dans la société. A cette époque, comme de nos jours, l'essentiel des modifications corporelles se situaient dans les zones hautement symboliques que sont le visage et les parties génitales, c'est à dire tous les endroits du corps qui entourent les orifices.» Ces endroits-là sont les plus décorés, parce que sont les zones d'échange principales entre le dedans et le dehors.
Pour Angulo et ses collègues (Marcos García-Díez et Marc Martínez), nul doute que les pratiques des “primitifs modernes” (1) datent des premiers temps de l'humanité: le plus ancien des phallus décoré d'incisions date de 30 000 ans en arrière. Il a été trouvé dans la grotte de Volgherd en Allemagne et son origine remonte à l'aurignacien. Mais c'est vraiment à l'époque magdalénienne que ce genre de pratique semble devenir courant. «Les décorations sont des lignes (70%), des plaques (26.7%), des points ou des trous (23.3%), parfois aussi des formes animales ou humaines (13.3%)». Angulo note que les sculptures en question montrent systématiquement des organes en érection, comme si les hommes du paléolithique associaient à la puissance phallique l'acte d'inciser, perforer, couper ou entailler leur sexe… Il note aussi que ces décorations péniennes sont les mêmes que l'on retrouve sur les parois des grottes: motifs géométriques semblables à des graduations, encoches tracées à égales distance comme pour tenir le compte d'actes victorieux ou marquer le passage des lunes, formes ovales en damier, lignes superposées de triangles… Il est impossible de savoir précisément à quoi correspondaient ces ornements, quoiqu'on s'en doute un peu (2).
Jeudi 24 nov., dans l'émission Envoyé Spécial, Ovidie signe un documentaire consacré à ces pornstars qui tentent, sans y parvenir vraiment, d'arrêter le X, de trouver un nouveau métier, de fonder une famille et d'être heureuses. Le documentaire s'intitule Rhabillage.
«Le Rhabillage est cette période durant laquelle les stars du X décident de mettre un terme à leur carrière. Mais est-il réellement possible de se reconvertir lorsque la nudité a été exposée au grand jour?». Partant sur les traces de toutes ces actrices qui ont décidé d'arrêter la pornographie, la réalisatrice Ovidie fait le bilan d'un échec quasi général: aucune d'entre elles ne s'en sort. «Elles ne parviennent ni à trouver un boulot intéressant, ni à percer… à une seule exception près: Brigitte Lahaie, qui attire chaque jour 500 000 auditeurs avec son émission sur RMC. Encore a-t-il fallu qu'elle se batte pendant 20 ans…». Pour les autres actrices, il semble qu'il n'y ait pas d'avenir et qu'elles restent, pour leur immense majorité, forcées de rester dans le circuit du cul comme escort, strip-teaseuses ou animatrices de club libertin. Ovidie sait de quoi elle parle: ayant elle-même fait partie de l'équipe Dorcel, elle a les pires difficultés à briser l'image qui lui colle à la peau. Pire qu'un stigmate. En réalisant ce documentaire qui sonne comme un douloureux testament, Ovidie espère bien pouvoir passer à autre chose. Rhabillage est donc bien plus qu'un simple documentaire sur les ex-hardeuses: c'est une tentative de reconversion.
«J'ai fait partie de ces femmes qui se sont rhabillées sans pour autant se repentir. J'ai fait le choix de tourner des films pornographiques entre 18 et 22 ans. Une activité légale pourtant. Un choix pleinement consenti mais pour lequel bien des années après, je continue à payer le prix fort. A l'instar de toutes mes consoeurs dont certaines ne se sont jamais remises et tel un véritable tatouage social, notre passé d'actrice ne cesse de resurgir... 10 ans, 20 ans, 30 ans, combien d'années encore faudra-t-il que l'on nous considère enfin comme rhabillées?». Pour bien montrer l'ampleur du désastre, Ovidie a fait le tour de toutes les anciennes célébrités. Bien que dans la version finale du documentaire beaucoup d'entre elles n'apparaissent pas (certaines par peur d'être reconnues), le bilan est lourd: «Celles qui réussissent à trouver du travail risquent sans cesse de le perdre, sur dénonciation».
Prenez Adriana Noranti, par exemple: «Elle a bossé comme assistante maternelle jusqu'à ce qu'un père de famille la reconnaisse. Elle s'est fait virer sur le champ», raconte Nina Roberts, qui n'ose même pas reprendre son ancien travail de coiffeuse, de peur que cela lui arrive également. «C'est totalement illégal de renvoyer une personne parce qu'elle a tourné dans des films pornographiques», proteste Nina. Mais aucune fille ne porte plainte, suivant une sorte de fatalité… «Je pense qu'elles se laissent faire. Elles sont au courant des lois, mais je pense qu'elles sont face à un truc tellement répétitif qu'elles finissent par lâcher l'affaire… Elles n'ont plus envie de se battre.»
Il existe un mythe d'origine grecque dont on retrouve les traces obscènes jusque dans les églises. C'est le mythe de Baubo, une femme qui écarte les cuisses si largement que sa vulve prend l'aspect d'une bouche rieuse…
Tout le monde connaît le mythe de Déméter, déesse des moissons: sa fille bien-aimée, Perséphone, kidnappée par Hadès, se trouve au royaume des morts. Démeter pleure, cesse de se nourrir, refuse de boire, néglige les récoltes qui périssent et plonge le monde dans une douleur telle que plus rien ne pousse ni ne germe désormais. L'hiver pétrifie et stérilise tout ce qui vit. Qui pourra sortir l'univers de cet enfer glacé? Une première version du mythe raconte que Zeus, affolé, négocie un accord à l'amiable: Hadès laissera Perséphone revenir parmi les vivants 6 mois par an. Lorsqu'elle retrouve sa mère, c'est le printemps, la terre redevient cultivable. Puis Perséphone rejoint son mari aux enfers et la saison froide recommence…
Il existe une autre version, moins connue, de cette légende à l'origine du cycle des saisons. C'est le mythe de Baubo, du nom de cette énigmatique femme - une servante ? (1) - qui, pour sauver le monde, déride Démeter par le plus curieux des moyens: Baubo exhibe sa vulve, inaugurant le premier strip-tease de la mythologie grecque… Extrêmement ancien, ce mythe étrange ne nous est connu que par deux textes très courts et un peu obscurs, dont les auteurs sont paradoxalement des pères de l'Eglise. La première version transmise par Clément d'Alexandrie dit ceci: «Baubo retroussa son vêtement pour montrer tout ce qu'il y a d'obscène; le jeune Iakchos qui était là, tout en riant, agitait sa main sous le sein de Baubo; la déesse alors, sourit, sourit dans son coeur; elle accepte la coupe aux reflets bigarrés, où se trouvait du cycéon (2)» (Source : Clément d'Alexandrie, Le Protreptique, Paris, cerf, 1949).
L'autre version, d'Arnobe, est plus explicite: «Baubo tira son vêtement depuis le bas et exposa aux yeux de Déméter les formes des parties naturelles qu'en agitant d'une main creuse –elles avaient un aspect d'enfant– elle frappe, palpe amicalement. Alors la déesse, fixant des yeux d'auguste lumière et un peu adoucie, dépose les tristesses de son âme puis de sa main prend la coupe et riant, boit joyeuse, toute la liqueur du cycéon» (Source : Arnobe, Adversus gentes, in Jacques-Paul Migne, Patrologia latina, tome 5, Paris 1844).
Pour l'ethnologue Georges Devereux (1908-1985), qui consacre à ce mythe un livre récemment réédité aux éditions Payot, l'interprétation de ces deux textes est relativement transparente: la vulve est un antidépresseur bien plus efficace que n'importe quel cachet d'amitryptiline. Il fait rire les déesses. Il rappelle aux femmes en deuil que la mort d'un enfant n'empêchera jamais les suivants de naître. Aucun hiver n'est définitif. Rappelant à Déméter ses fonctions reproductrices, Baubo lui explique par geste que l'énergie de la vie se trouve là, au creux de notre corps:«Profites-en», lui dit-elle en silence, montrant ce que Clément d'Alexandrie nomme “le jeune Iakchos”, c'est à dire l'enfant virtuel que nous portons toutes en nous, source de jeunesse éternelle… Pour George Devereux, Iakchos, qu'il traduit “l'enfant-vulve” est un mot désignant à la fois les pourceaux, les cris des pourceaux synonyme de désir et cette source de vie quasi-intarissable qu'est le sexe de la femme.
Certains tabous peuvent causer la mort. Parce qu'ils n'osent pas se toucher, ou parler de leur corps, beaucoup d'hommes meurent d'un cancer qui aurait pu être soigné s'il avait été identifié à temps. Histoire de les mettre à l'aise, le site MaleCancer fait la promotion de l'auto-palpation.
Il y a des hommes apparemment qui n'osent pas prendre leurs testicules, ni leur destin, en main. Pour leur venir en aide, Rhian Sugden, célèbre "modèle de page 3" des tabloïds britanniques, propose de se toucher dans une vidéo aux allures de clip érotique… Mimant les pornstars, elle promène d'abord un doigt entre ses lèvres, puis plus bas et… dégage de son slip des testicules d'un réalisme extrême qu'elle palpe en indiquant précisément le geste qui sauve. «A votre tour maintenant», dit-elle, invitant les télespectateurs mâles à vérifier qu'ils n'ont pas une grosseur suspecte dans les bourses. La vidéo est diaboliquement pédagogique.
Elle est en ligne sur le site MCAC (Male Cancer Awareness Campaign) qui lutte contre la «honte qui empêche les hommes de parler de leurs corps et de se faire examiner dans le cadre du dépistage du cancer». On pourrait trouver l'objet d'une telle campagne anecdotique, mais il semblerait qu'en Angleterre le véritable ennemi ne soit pas la cigarette, ni les pesticides, ni la pollution mais bien plutôt cet “embarras” extrême qui empêche les hommes de mettre leurs organes génitaux et leur anus entre les mains de la médecine.
«En Grande Bretagne, plus de 10 000 personnes meurent en moyenne chaque année d'un cancer de la prostate ou des testicules, explique le site. Beaucoup d'entre eux pourraient survivre s'ils osaient s'examiner ou alerter leur médecin au sujet de symptômes bizarres concernant leur outillerie et leurs fonctions corporelles… Ces hommes meurent-ils d'un cancer ou meurent-ils de honte ?».
Oui, l'auto-palpation c'est vital : lire le témoignage du journaliste Jad Semaan, atteint d'un cancer des testicules, qui raconte son calvaire. "La première coquille protectrice des testicules a été confectionnée pour les cyclistes, à Chicago, en 1874… et le port du casque de moto protecteur n'est devenu obligatoire qu'en 1973… En extrapolant, en ironisant, on peut se rendre compte qu'il aurait donc fallu un siècle aux hommes pour comprendre que le cerveau est aussi important que les couilles ! Dans la Rome antique, les hommes tenaient dans leur paume leurs deux testicules lorsqu'ils prêtaient serment; c'est de là que nous tenons des paroles comme testament, testimonial, ou le verbe «to testify» en anglais." (publié dans le quotidien de Beyrouth L'Orient-Le Jour, le 10 octobre 2011)
Il existe dans de nombreuses cultures un lien entre la lune et la femme, comme si la lune, lorsqu'elle devenait «pleine», renvoyait par sa forme à l'ovulation féminine: «d'une femme aussi on dit qu'elle est pleine», remarque Antonio Fischetti, auteur d'un ouvrage pétillant consacré aux mystères de la sexualité.
L'angoisse du morpion avant le coït: le titre de ce livre pourrait faire croire qu'il n'a rien de sérieux, mais c'est une mine d'informations sur la manière dont les femmes et les hommes fonctionnent. Parmi les innombrables questions que résout Antonio Fischetti (qu'il s'agisse de savoir pourquoi un testicule est plus bas que l'autre ou pourquoi le porno nous intéresse), l'énigme de la lune comme symbole féminin fait partie de ses recherches les plus intéressantes. «La durée des cycles est la même pour la lune et la femme, souligne-t-il. 28 jours grosso modo (exactement 29,5 jours en moyenne). Le fait que les cycles féminins et lunaires aient la même durée, voilà qui est étrange.»
L'hypothèse la plus fréquemment évoquée est celle d'une influence directe de la lune sur le corps. «On pense aux marées. Il est vrai que la lune est responsable de ces va-et-vient aquatiques». Plus la lune est proche de la terre, plus elle attire la masse lourde des océans qui se bombent vers l'astre… Lorsque la force d'attraction du soleil se combine à celle de la lune, cela donne les grandes marées. Se pourrait-il que les astres exercent sur nos fluides corporels une action comparable? Impossible (1) répond Antonio Fischetti.
«Pour le comprendre, un peu de physique. Toutes les masses s'attirent mutuellement, exerçant l'une sur l'autre une force de gravitation. Quand deux personnes cheminent côte à côte, elles s'attirent mutuellement. Mais l'attraction est si faible qu'elles ne risquent pas d'être propulsées l'une sur l'autre. Car la force d'attraction est proportionnelle à la masse des corps et à la distance qui les sépare. La Terre nous attire parce qu'elle est grosse et lourde. La lune attire les océans parce qu'ils sont grands et lourds. Mais la force qu'elle exerce sur un être humain est extrêmement faible, car il ne pèse que quelques dizaines de kilos. Pour que l'attraction de la lune soit visible, il faut de grandes masses comme celle d'un océan. Dans une baignoire, vous pouvez toujours l'attendre, la marée.”
Comparant l'effet que peut avoir sur nous d'autres masses, moins distantes, Antonio Fischetti affirme que la Tour Eiffel exerce certainement une influence bien plus importante que celle de la lune sur les femmes qui habitent dans le 7e arrondissement ou sur celles qui, chaque jour, passent par la station de RER champ de mars ou la station de métro Bir-Hakeim. Si tant est que leur cycle menstruel soit influencé par les lois de l'attraction universelle, il a certainement «plus de chances d'être affecté par le monument métallique tout proche que par notre lointaine satellite», se moque Antonio, qui rajoute: «Dans l'imaginaire collectif, bien des pouvoirs sont prêtés à la lune…». Sur les accouchements par exemple, qu'on prétend plus nombreux les nuits de pleine lune. «Infirmières et gynécologues avouent parfois l'avoir observé. On veut bien les croire. Malheureusement, lorsqu'on ne se contente pas d'impressions et qu'on analyse les registres de hôpitaux sur plusieurs années, les statistiques sont décevantes». La plupart démentent toute influence de la phase lunaire.
Dans le domaine de la criminalité, il ne semble pas non plus que les agressions augmentent les nuits de pleine lune. «Sauf peut-être avec les chiens. En décortiquant les registres du service d'urgence de l'hôpital de Bristol, des médecins anglais ont trouvé que les admissions pour morsures étaient deux fois plus nombreuses à la pleine lune que le reste du temps. Mais c'est peut-être tout simplement parce que les chiens sortent davantage, vu qu'ils y voient plus clair. Comme les fous d'ailleurs, ce qui expliquerait de légères augmentations des admissions parfois observées dans les hôpitaux psychiatriques». Mais même cela n'est pas certain.
En France, une étude réalisée à Toulouse démentait toute influence de l'astre lunaire : sur les 2478 entrées dans les services d'urgence psychiatrique toulousains, réparties sur les 366 jours de l'année 1992 (année bi-sextile), on ne note «pas de variation significative du nombre d'entrées selon le jour du cycle lunaire», «pas de variation significative selon le jour du cycle, de l'âge moyen des patients. Il n'y a pas non plus de différence concernant le sexe des patients et le mode d'arrivée. Concernant l'heure moyenne d'arrivée, [...] pas de différence significative. [...] pas d'influence significative du cycle lunaire sur les états d'agitation et les conduites d'alcoolisation». L'étude ne met non plus en évidence aucune «variation significative, au cours du cycle lunaire», du pourcentage de patients toxicomanes, psychotiques, anxieux, dépressifs ou autres… Rien.
En définitive, la pleine lune ne semble influencer la nature humaine que sur le plan de l'imaginaire. Dans l'histoire des religions, alors que le soleil est le plus souvent associé à la masculinité (2) et à l'état conscient, à la vie diurne, aux qualités chaudes, sèches, aériennes, la lune, elle, est fréquemment associée à l'inconscience, à la vie nocturne, aux qualités froides, humides et souterraines… Dans la Rome antique, par exemple, la déesse Junon qui préside aux naissances se voit consacrée une fête appelée “calendes” qui marquent la naissance du mois. A Junon, on donne d'ailleurs le nom de Kalendaris Juno: elle est la mère du calendrier, car elle patronne non seulement la naissance des humains mais la renaissance mensuelle de la lune. George Dumézil explique: «La déesse est envisagée comme faisant naître le mois» (La religion romaine archaique, Payot, 1966, p. 293). L'idée du cycle “mensuel” est d'ailleurs si étroitement associé à celui du cycle “menstruel”, que d'innombrables expressions qualifient celles que leurs règles tourneboulent: «elle a ses lunes», «elle est mal lunée», «elle devient lunatique».
Il existe à travers l'Europe des peintures représentant un arbre fruitier d'une espèce plutôt rare: ses branches sont chargées de lourds pénis en érection, remplis d'un nectar probablement divin, et pour cause. La vie, c'est le vit.
En 2000, dans la ville médiévale de Massa Marittima –province de Grosseto en Toscane (Italie)-, une exceptionnelle fresque est découverte derrière la couche de plâtre qui recouvre une fontaine ancienne, la “Fontaine de l'abondance”, datant de 1265. Les peintres chargés de la restauration ont de quoi se régaler: l'image principale de la fresque montre un arbre immense, de presque quatre mètres de haut, aux branches alourdies par des phallus. Il y en a 25 en tout, clairement turgescents. Sous le dais protecteur de l'arbre, dont la frondaison forme comme un ciel prolifique, cinq femmes lèvent la tête, alléchées par ces glands savoureux qu'elles semblent vouloir cueillir… L'une d'entre elles, armée d'un bâton, essaye de gauler l'arbre et s'apprête à taper sur un des "fruits" pour le faire tomber. Pour Johan Mattelaer, urologue, spécialiste des représentations phalliques, cette découverte marque le début d'une recherche passionnée: existe-t-il d'autres images d'arbre à phallus? Il entreprend de les répertorier.
Il est possible d'acheter sur internet une valise spécialement conçue pour transporter une poupée de silicone aux allures de cadavre frais… Sous le nom d'Angel Body, cette poupée à la chair élastique, reproduit avec un réalisme étrange l'aspect d'une femme qui aurait été amputée. On appelle ce fantasme le "boxing".
Angel Body est l'incarnation ultime d'une femme douce et disponible. Elle se vend avec trois type de vagin au choix : "doux", "très doux" et "très très doux" (c'est dire), qu'il suffit d'insérer entre les cuisses absentes de cette belle femme-tronc…
Comptez 168 000 yens le modèle de base, conçu spécialement pour les amateurs de boxing. Le "boxing", littéralement "mise en boîte", consiste à fantasmer sur les femmes ou hommes-objets, chirurgicalement démembré(e)s, "rangé(e)s" dans des tiroirs, transporté(e)s dans des valises à roulette et maintenu(e)s en vie pour le seul agrément de leur propriétaire. Le mot “boxing” vient des USA, qui estampille ce fantasme par l'intermédiaire notable de la fille de David Lynch : Jennifer Chambers Lynch gagne le titre de plus mauvaise réalisatrice de l'année 1993 en sortant un film horrifico-romantique, Boxing Helena, l'histoire d'un médecin fou qui kidnappe sa bien-aimée et lui coupe tous les membres afin qu'elle ne puisse pas s'enfuir… Malgré son échec commercial, le film est à ce point frappant qu'il est devenu culte dans le milieu des fans d'Ampulove.
Mais c'est au Japon que le boxing semble le plus populaire. Dès les années 20, l'écrivain Ranpo Edogawa popularise les histoires d'êtres humains transformés en “chenilles” ou en "morceaux de choix" que d'innombrables graphistes nippons prennent un plaisir palpable à illustrer… L'illustrateur Gengoroh Tagame fait partie des plus célèbres d'entre les adeptes de boxing gay: ses dessins, actuellement exposés à la galerie Art Men Paris mettent régulièrement en scène des hommes aux ailes coupées, obligés de subir toutes sortes de pénétrations et de sévices sans pouvoir se débattre… Des potiches, littéralement.
Le scénario le plus courant des histoires de boxing est celui du kidnapping : cédant aux charmes d'un séducteur, une jeune femme accepte de le suivre chez lui et prend sans méfiance le verre qu'il lui offre. Elle se réveille… sur une table de dissection. Ses bras et jambes, proprement sciés, gisent au sol. Ses moignons suturés ne lui sont d'aucun secours pour résister au pervers qui abuse d'elle à répétition… Le manga le plus fascinant du genre s'intitule MPD-Psycho (éd. Pika) : glacial, cruel jusqu'à l'insoutenable, il raconte l'histoire d'un tueur en série sadique qui kidnappe la petite amie d'un flic et la lui renvoie, toujours vivante, dans une glacière.
L'image de cette jeune femme, en état de choc, baillonnée par un respirateur artificiel, les moignons palpitants, envoyée en colis recommandé dans un caisson étanche, est une des plus obsédante qui soit. Pas d'hémoglobine dans MPD-Psycho. La violence est clinique. Il est d'ailleurs tout à fait étonnant que le traducteur de ce manga pour adulte, Sylvain Cardonnel, soit également celui du roman apocalyptique Yapou, bétail Humain (ed. Désordres), chef d'oeuvre inachevé salué par Mishima comme l'expression du traumatisme japonais ultime : l'être humain réduit à l'état de simple réceptacle, de mobilier ou d'accessoire sexuel.
Lorsqu'en 1956, le Japonais Shozo Numa signe ce roman révoltant et grandiose, comparé pour sa démesure à un roman de Sade, il met en scène la terreur d'un monde livré au sado-masochisme de masse. C'est, de façon significative, l'histoire d'un enlèvement : capturé, livré à des machines qui l'empalent et le castrent, un être humain est, de façon irréversible, totalement déshumanisé. Le récit se déroule dans un futur de cauchemar dominé par des femmes grandes et blondes, d'origine germanique (sic), dans lequel les Yapous (Japonais) jouent le rôle d'animaux de compagnie très intimes. Leurs orifices sont modifiés pour de multiples abus. Leurs langues transformées en palpeur ou en pédoncule docile. Leurs crânes écrasés en forme de siège. Leurs bras rognés pour servir d'accoudoir. Yapou, Bétail humain est une saga inachevée de 1500 pages. Elle compte d'innombrables admirateurs et totalise un million de ventes au Japon où l'on se repaît de cette peinture au vitriol d'un univers qui fonctionne à l'envers : une dystopie (1) terriblement dérangeante et troublante. Les femmes blanches y ont le pouvoir. Et les Japonais qui leur servent d'urinoir, de lèche-botte ou de vibromasseur trouvent dans la perte totale de leur dignité une forme d'accomplissement… Idéologiquement ironique, cette critique radicale du Japon humilié de l'après-guerre montre jusqu'à quelles extrêmités on peut avilir une nation de vaincus. Jusqu'à quel point l'aliénation guette ceux que guide la morale des esclaves…
Au Japon, ce fantasme noir et ambigu semble avoir tant de succès que les plus célèbres catalogues de sex-shop (M's, Nippori Gift) offrent à la vente des "oreillers de chair", des oreillers de coton rembourrés en forme de tronc féminin, dotés de seins, d'un sexe et accompagnés en option de dessous soyeux. Là-bas, ce n'est pas qu'on rêve d'amputer ses bien-aimé(e)s, non. C'est plutôt qu'on projette sur "l'objet de désir" un fantasme de possession absolue, comme pour exorciser la peur d'être soi-même privé de liberté, comme pour vaincre l'angoisse terrifiante de ce monde dominé par des puissances financières occultes qui peuvent à leur guise faire exploser des bombes H dans les atolls, acheter des morceaux entiers de pays, abattre des forêts primaires, mettre au pouvoir des fanatiques religieux ou bâtir des centrales nucléaires sur des failles. Nous ne sommes que des jouets entre les mains de fous.
Poupée sexuelle à la chair trop blanche, comme vidée de son sang, Angel Body offre l'illusion troublante qu'il est possible peut-être de survivre, malgré tout, à la mort de nos espoirs individuels.
Angel Body, en vente sur : http:www.medidoll.com MPD Psycho 1, de Tajima Sho-u et Ôtsuka Eiji, éd. PIKA : la scène de boxing apparaît dans le premier volume. C'est de cette vision traumatique que la série tire son argument principal.
Cinéma : Boxing Helena, de Jennifer Chambers Lynch. Le soldat-dieu, de Wakamatsu (chez Blaq out)
«Personne ne m'avait dit que ce serait violet», ni que les bouts de chair dans l'entrée étaient les restes de l'hymen, ni qu'une nymphe pouvait ressembler à une langue de chien… Beaucoup de femmes se croient anormales lorsqu'elles regardent leur sexe. Parfois même monstrueuses: «Mon clitoris a la forme d'un casque nazi!».
Il y a un poème en Alabama qui dit:
«Le minou est une chose étrange Tout rose et couvert de poils Il ressemble à la bouche d'un prêtre méthodiste Et pue comme le cul d'un ours».
«Pauvre petit minou, tant adoré, tant haï, tant craint», s'exclame Dian Hanson, dans son introduction au Big Book of Pussy (Le grand livre du minou, aux éditions Taschen), un livre d'art rempli de femmes qui écartent les cuisses ou se penchent exagérément en exhibant des sexes aux formes aussi diverses que leurs… charmes. Pauvre petit minou, en effet, que les femmes aiment si rarement et qu'elles répugnent à laisser voir de près. Avec ses nymphes qui pendouillent, ses plis luisants de mollusque, ses béances molles et ses glaires filantes, le sexe féminin plonge le plus souvent ses propriétaires dans la consternation. «Mon sexe n'est pas joli-joli», disent-elles. Opinion partagée, semble-t-il, par une énorme majorité de femmes qui considèrent leur petit compagnon comme une tare.
Le mot qui sert à le désigner depuis au moins le Moyen-âge (“conin”) est devenu l'insulte la plus couramment utilisée en France, c'est tout dire: «espèce de con!». Même les mots qui se veulent flatteurs le cantonnent au statut d'accessoire, de sucrerie ou de jouet d'enfant: "chatte", "foufoune", "bijou", "zézette", "pot à miel", "moumoune", "berlingot". On nage dans l'infantilisme. Quant aux mots négatifs, ils donnent presque envie de vomir: "chagatte", "touffe", "cramouille", "moule", "tarte aux poils", "garage à bite"…
Les seuls mots acceptables restent “abricot” et “fente”, encore qu'ils supposent un rasage intégral, excluant d'office les sexes de femme adultes et naturelles de l'univers peau-lissé du bon goût. Quant au mot “vulve”, un peu technique, il a un arrière-goût de maladie. Il ne reste donc plus (pour trouver l'équivalent des termes si laudateurs qui désignent le pénis), qu'à chercher du côté de l'Inde ou de l'Asie des épithètes réconfortants: "yoni", "porte dorée", "temple sacré", "fontaine de vie"… Mais on se sent si ridicule à les utiliser que les mots "chat" ou "minou" —au masculin, s'il vous plait— restent quand même les moins difficiles à prononcer.
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, la nudité fait l'objet d'une telle censure que l'on gomme du langage les mots du corps et que l'on cache des bouts de meuble. Par défi contre les normes victoriennes, un artiste fait scandale en peignant… son lit. De nos jours, même s'il est "fait", le lit reste l'objet du délit.
Il est possible de voir au Musée d'Orsay, dans le cadre de l'exposition Beauté, morale et volupté (jusqu'au 15 janvier 2012), un étonnant tableau de femme nue (1) : elle présente, de face, un ventre de statue et un bas-ventre… marmoréen. La peau de son pubis, tendue comme un tambour, lisse et blanc, ne présente aucune trace de sillon. Rien. Un espace vacant que le regard parcourt avec la même angoisse que s'il s'agissait de sauter dans le vide… A l'époque où ce tableau est peint, beaucoup d'hommes et de femmes ignorent la nudité. Ils ne savent pas à quoi ressemblent un corps avant la nuit de noce… Il existe d'ailleurs une anecdote très célèbre à ce sujet : celle du critique d'art anglais Ruskin, célèbre pour avoir défendu les artistes pré-raphaelites. Quand il épouse la belle Effie Gray en 1848, Ruskin est vierge. Il n'a jamais vu de femme nue, autrement qu'en statue. Le soir de la nuit de noces, il est horrifié de ne pas trouver, sous les jupes de son épouse, le renflement lisse, l'abricot imberbe auquel il s'attend. Cela gâche leur mariage. Six ans plus tard, Effie Gray demande le divorce au motif qu'elle est toujours vierge.
De façon assez paradoxale, le mouvement pré-raphaelite est pourtant considéré, au départ, comme une atteinte aux règles de bienséance… C'est “un art libéré des notions victoriennes de moralité et qui ose simplement procurer du plaisir et faire allusion au charme de la sensualité.” (source : dossier de presse de l'exposition). Parmi les peintures les plus "dangereuses" du mouvement, se trouvent des nus (quoique fort pudiques) et surtout un étrange petit tableau représentant une chambre à coucher (2). Scandale ! A cette époque, les peintres, qui exaltent les “intimes gentillesses du home”, ne représentent que les prière en commun, les repas d'anniversaire et les moments heureux de la vie quotidienne, lorsque le mari rentre du travail et que ses enfants l'attendent en faisant leur devoir sous l'oeil ému d'une mère qui brode au coin du feu… “Mais jamais le regard, pas plus que le visiteur, ne pénètre dans le saint des saints qu'est la chambre conjugale, spécifie Jean-Pierre Navailles (Londres victorien, un monde cloisonné). On chercherait en vain dans l'iconographie victorienne l'équivalent du Portrait des époux Arnolfini (Jan Van Eyck, 1434) dont la National Gallery de Londres fit l'acquisition en 1842. Il aurait été inconvenant de représenter des jeunes mariés —eussent-ils l'air aussi dignes que les Arnolfini— à côté d'un lit à deux places”.
Afin d'atténuer l'impact de cette vision scabreuse (un lit qui n'est même pas celui d'un mourant ou d'un malade), le peintre a pris soin de le représenter en tout petit, caché et déformé dans le reflet d'un miroir sorcière… Peu importe. C'est le lit du vice. Le lit à baladaquin, aux couvertures moelleuses, dont la vue seule évoque des plaisirs illicites… A l'époque victorienne, il y a des meubles que l'on cache et des mots que l'on efface. Les livres ne sont publiés qu'après avoir été relus et censurés par les adeptes de Thomas Bowdler, qui expurge les pièces de Shakespeare dans des versions réservées aux femmes et aux enfants… La ligue de Moralité (National Vigilance Association) est fondée en 1886 afin de promouvoir la “pureté sociale” et la bienséance veut que l'on évite soigneusement de prononcer certains mots. “Gorge” ne se dit que d'un paysage de montagne. Et encore.
Cette censure bien sûr ne concerne pas l'ensemble de la population, mais la minorité dominante qui assoit son pouvoir sur l'idée que les corps sont des "temples". Rien ne doit les souiller. Ni par la vue, ni par l'ouie… La ville de Londres est alors quatre fois plus grande que Paris. On la compare à un Leviathan qui s'accroît chaque année de plus de 2000 maisons, absorbant les campagnes environnantes à un rythme accéléré, tandis qu'hors des frontières l'empire britannique se taille la part du lion dans les pays “barbares”… Les écrivains qui s'ébahissent devant cette ville tentaculaire comparent -comme Henry Mayhew- les “sauvages de la capitale” à ceux des Caraïbes, les vagabonds de Londres aux tribus nomades d'Arabie et les “garotters” (détrousseurs de rue) aux thugs hindous qui étranglent leurs victimes par fanatisme religieux. Le journaliste et romancier William Thackeray affirme même que les gentlemen londoniens en savent autant sur les indigènes des faubourgs ouvriers que sur les moeurs des lapons. C'est dire si le monde victorien est cloisonné. Les élites se font un honneur de ne connaître rien des réalités de ce monde, comme pour renforcer les différences de classe. Ils bénéficient, paradoxalement, des privilèges de l'ignorance
Dans cet univers victorien, il y a d'un côté les êtres qui travaillent et forniquent dans la “grande Babylone noire” et de l'autre les gens de bien. Ce cloisonnement explique peut-être le scandale que représentent les oeuvres d'art pré-raphaelites remplies de belles jeunes femmes aux poses de statues antiques… Elles sont en apparence bien anodines. Mais pour les victoriens, qui n'osent même pas proposer une cuisse de poulet à une lady sans mourir de honte, l'anatomie féminine pose problème. On ne prononce pas le mot “jambe” dans les sphères élevées de la société (3). Comment pourrait-on même représenter un mollet nu ?
Il est tout aussi interdit d'évoquer la chambre à coucher que quoi que ce soit suggérant la nudité. “Si en ces temps anciens les pauvres dormaient nus, les nantis portaient eux des chemises de nuit, explique Jean-Claude Bologne (dans Histoire de la pudeur). Cette pièce de toile ample et longue permettait aux plus pudibonds, hommes ou femmes, de préserver leur plus intimes parties des regards du conjoint. La chemise de nuit était faite d'une toile assez rustre qui ne devait certes pas faciliter les rapports libidineux entre les conjoints. Au cours du XVIIIè siècle les sœurs pudibondes des couvents inventèrent la "chemise conjugale" destinée au trousseau de leurs jeunes pensionnaires prêtes à marier. Cette chemise de nuit du père la Pudeur était dotée d'une ouverture sous le nombril qui permettaient donc aux époux d'assurer une descendance sans pour autant dévoiler leurs parties les plus honteuses ! Elle fut par la suite baptisée "chemise à ouverture parisienne", "chemise de la famille chrétienne" ou encore "chemise à faire un chrétien". Anatole France précise que les trousseaux des jeunes mariées comportent des chemises amples et longues, avec un petit pertuis qui permet aux jeunes époux de procéder chastement à l'exécution du commandement de Dieu relatif à la croissance et à la multiplication.
La fameuse ouverture était parfois agrémentée de commentaires encourageants, à moins qu'il ne s'agisse d'un mode d'emploi pour les moins expérimentés ? On trouvait par exemple brodé autour de ce trou du bonheur la phrase : "Dieu le veut". D'autres modèles pouvaient être fermés momentanément afin de signifier au mari qu'il n'était pas opportun de venir s'aventurer dans ce trou là pendant quelques jours ! Chez l'homme, l'ouverture pouvait prendre des formes plus adaptées. On parlait alors d'un "portail" surmonté d'un "pont-levis" avec, sur le nombril un bouton permettant d'y fixer la pièce d'étoffe au cours de l'acte. La taille de cette ouverture était standardisée ! Soit à peu près une main, ou seize centimètres. Cela alimentait d'ailleurs les sarcasmes de certaines épouses probablement déçues qui répétaient à qui voulait l'entendre : "il y a plus de portail que de bétail". Cette tenue de nuit bien particulière perdura bien longtemps. On en voudra pour preuve ce témoignage d'une femme venue accoucher en 1952 à l'hôpital de Caen (Calvados) dans cette tenue. Son mari, père de douze enfants ne l'avait jamais vu nue.” (Source : Histoire de la pudeur).
De nos jours, dieu merci, la chemise conjugale n'existe plus. Mais le tabou concernant la chambre à coucher perdure. Rares sont les personnes qui, faisant visiter leur appartement, ouvrent la porte qui mène à leur lit sans ajouter un petit commentaire, en guise d'excuse : "euh, voilà le saint des saints". Ou encore : "Excusez-moi, c'est un peu désordre" (alors que c'est parfaitement rangé, et qu'on chercherait en vain les culottes, les chaussettes ou les tubes de lubrifiant qui normalement trainent dans ce genre d'endroit). Le lit a été fait, toute trace de volupté effacée, comme un sexe soigneusement gommé dont on aurait enlevé les plis et les recoins d'ombre… Cachez ces sillons que je ne saurais voir.
Beauté, morale et volupté dans l'Angleterre d'Oscar Wilde. Jusqu'au 15 janvier 2012
Musée d'Orsay : (quand il n'y a pas grève) tous les jours, sauf le lundi, de 9h30 à 18h , le jeudi jusqu'à 21h45. Plein tarif : 8 €. Tarif réduit : 5,50 € Accès : entrée par le parvis, 1, rue de la Légion d'Honneur, 75007 Paris
Note 1/ "A Venus" d'Albert Moore (1841-1893) : "Cette oeuvre de 1869 nous renvoit à l'une des sources d'inspiration des artistes esthétiques qui se tournaient souvent vers la sculpture classique pour y trouver des poses reprises dans leurs peintures, très inspirée de la Vénus de Milo. L'absence de précision de l'appareil génital que vous remarquez est certainement le résultat de cette source antique qui savait si bien idéaliser la femme qu'elle pouvait en négliger les précisions (ce qui nous situe bien loin du réalisme que Courbet met dans "L'origine du monde")." (Yves Badetz, conservateur du patrimoine au musée d'Orsay)
Albert MOORE (1841-1893) Une Vénus. 1869, huile sur toile, 181 x 95 cm. York Museums trust (York Art Gallery).
Note 2/ "Le tableau circulaire montrant un lit à baldaquin se reflétant dans un miroir sorcière représente en fait la chambre de Dante Gabriel Rossetti à Tudor House vers 1874-1875. Cette oeuvre est due à Treffry Dun (1838-1899). Cette chambre s'inspire des intérieurs du XVII° siècle et fait ressortir le goût de Rossetti pour les blancs et bleus de Chine mais aussi pour les cuivres anciens. Cette oeuvre apparaît dans une autre oeuvre du même artiste (présentée dans l'exposition), qui représente le salon de Rossetti à Tudor House, sur les parois de cette pièce l'on identifie clairement cette toile en bonne place." (Yves Badetz)
Henry Treffry Dunn (1838-1899) : La chambre à coucher de Rossetti à Tudor House, Cheyne Walk. Vers 1874-75, aquarelle sur papier. Diamètre : 42 cm. Wolverhampton, Wightwick Manor, National Trust
Note 3/ La pruderie victorienne aurait poussé le vice jusqu'à couvrir les pieds des tables et des pianos de housse rappelant de trop près les jambes galbées des femmes… sources de pensées mauvaises. Mais il s'agit peut-être d'un mythe.
Savez-vous pourquoi les bourses s'allongent en cas de fièvre et se rétractent quand il fait froid? Que les spermatozoïdes continuent de bouger plusieurs jours après la mort? Il existe dans le corps des mâles un processus proche de la Genèse du monde. Sauf qu'il dure 74 jours au lieu de 7.
Les testicules, au nombre de deux, sont des glandes fermes et élastiques situées dans les “bourses” ou “scrotum”, un sac de peau plissée. Chez l'homme sexuellement mûr, un testicule pèse 25 à 30 grammes environ. Généralement le testicule gauche est plus gros et situé un peu plus bas que le testicule droit. La fonction principale du scrotum est de maintenir les testicules à une température légèrement inférieure à celle du corps (34,4 °C) afin de favoriser la production de spermatozoïdes.
Le processus est appelé spermatogenèse. Il dure 74 jours et ne peut se dérouler qu'à une certaine température, inférieure à celle de la cavité abdominale, raison pour laquelle les bourses s'allongent en cas de fièvre, en s'éloignant d'un abdomen devenu trop chaud, tandis que sous l'action du froid, elles se contractent et se froncent (1)… Raison aussi pour laquelle le port de pantalons trop serrés et les périodes d'examen au cours desquelles les hommes restent longtemps assis (révisions intensives) produisent des spermatozoïdes de très mauvaise qualité. Ils bougent à peine, privés de force, dans le bouillon tiède d'un sperme qui a littéralement “mariné”. Rien ne vaut le sperme d'un individu qui porte des pantalons larges et qui laisse respirer ses testicules. Au microscope, on voit la différence de façon flagrante.
En battant de leur flagelle (leur queue), les spermatozoïdes peuvent atteindre la vitesse de 3 mm à la minute, «ce qui pour eux revient à parcourir 70 fois leur propre longueur en une minute, comme un bon nageur, explique Christophe Baroni (auteur de Mieux que la pilule). Le fleuve où ils se déplacent, c'est le liquide spermatique.» La durée de vie d'un spermatozoïde dépend beaucoup du milieu et de la température. Le milieu acide le paralyse. «Selon Belonosckin, les spermatozoïdes ne restent mobiles que 45 à 60 minutes dans le vagin (qui est acide). Mais dans l'utérus, faiblement alcalin, on pense qu'ils restent mobiles 25 à 40 heures. Ils peuvent vivre 2 à 3 jours dans les voies génitales de la femme, en moyenne. On a signalé des spermatozoïdes encore mobiles dans les organes génitaux féminins deux semaines après le dernier rapport sexuel, mais on ignore si ces spermatozoïdes auraient encore pu féconder.» La même question se pose pour les spermatozoïdes encore mobiles découverts dans des cadavres d'hommes morts depuis trois jours: seraient-ils capables d'avoir des enfants post-mortem?
Les premières éjaculations de sperme ont lieu vers 13 ans et demi, 14 ans. Mais c'est vers 14-15 ans en moyenne que le sperme commence à devenir fécond. Son pouvoir de fécondation reste d'ailleurs assez faible à cet âge. L'homme reste fécond à un âge avancé. Selon Sigmund Exner (1846-1926), 68,5% des hommes ont encore des spermatozoïdes entre 61 et 70 ans. 48% entre 81 et 90 ans. La spermatogenèse peut être bloquée par un grand stress ou une forte frayeur. On rapporte le cas d'un jeune homme qui, en 1968, avait arrêté d'être fécond suite à une tentative de suicide.
Le sperme, substance blanchâtre et gluante, est constitué d'eau (entre 80 et 90%), mélangée à des substances organiques, du fructose, des protéines, des sels, des acides aminés (23 ?) et de nombreux enzymes (le tout pour une valeur moyenne de 5 calories). Ce liquide est sécrété par la prostate, les vésicules séminales, les épididymes, les ampoules des canaux déférents, les glandes de Cowper et les glandes de Littre. Il y aurait en moyenne 60 à 200 millions de spermatozoïdes par centimètre cube de liquide spermatique. Peu importe le nombre de spermatozoïdes, d'ailleurs. Qu'il y en ait ou pas, l'homme continue d'éjaculer la même quantité de sperme, avec le même bonheur. Un homme stérile n'est nullement impuissant. Car sa puissance sexuelle et sa libido sont liées non pas à la production de spermatozoïdes, mais à celle de testostérone.
L'homme mûr élabore chaque jour 2,5 à 10 milligrammes de testostérone, une hormone liée au désir sexuel. Le fait d'être stérile n'entrave pas la production de testostérone. Même stérile, l'homme continue également de produire du liquide spermatique qu'il expulse sous l'effet du “reflexe éjaculatoire”, par contractions successives. L'intervalle entre les contractions est de 0,8 seconde. Les trois ou quatre premières sont les plus violentes. Ensuite la force d'expulsion diminue et le rythme des contractions ralentit. Nombre moyen de giclées: entre 3 et 10. Vitesse d'expulsion: 40 km/h. Selon les individus, la quantité de sperme expulsé varie considérablement. Plus la personne est restée abstinente, plus les réserves de sperme sont importantes. «Après une abstinence de trois à cinq jours, 3 à 3,5 centimètres cube de sperme sont expulsés en moyenne, selon K.A. Rosenbauer, qui estime cependant qu'entre 1 et 6 cm cubes, il s'agit encore de quantités normales. Il tient pour “sans doute pathologiques” des quantités supérieures (7 à 10 cm cubes)» (Baroni, Mieux que la pilule).
L'homme éjacule en moyenne 500 millions de spermatozoïdes par orgasme. On peut évaluer entre 20 et 50 litres la quantité totale de sperme éjaculé par un homme au cours de sa vie, suivant son comportement sexuel.
Voilà pour la théorie. Et maintenant pour la poésie: il existe en France un éditeur, Stéphane Blanquet, qui édite, dans le plus beau papier, des livres à des prix extrêmement bas, remplis d'images qu'il s'électionne pour leur beauté perturbante et pour leur originalité. «Des univers forts, puissants, rares, peu vus, sexuels, sexuellement graphiques, explique-t-il. La charge du corps est principale. Je cherche en permanence, c'est un jeu. Chercher, trouver, publier, diffuser. Montrer à tous. Du caviar pour tous.» Il publie les dessins et les oeuvres d'artistes contemporains dans des revues appelées “Tendon revolver” (5 euros) ou “La tranchée racine” (3 euros). Au milieu des images, on trouve parfois des poèmes inédits de Marie-Laure Dagoit, comme celui-ci, si beau, qui parle de ces “toisons d'épine” qui entourent les belles queues des hommes.
Ce poème, publié dans le second Tendon Revolver, s'intitule «Quelque chose dans mon cul» et parle du foutre «doux comme le lait et le miel» qui exerce, lorsqu'on le respire, un «charme inexplicable»… Au japon, on dit que le sperme a l'odeur des feuilles de marronnier. Mais peut-être chaque homme a-t-il un sperme d'une odeur différente ?
«Je crois que quelqu'un a mis quelque chose dans mon cul Un manche lourd encombre ma raie Régulier/mécanique comme forcé D'en haut/on voit sur les ventres immobiles Le foutre plat et lumineux s'étaler par endroits Comme des sables mouvants sous mes pieds»
Le Tendon revolver et les autres publications de Stéphane Blanquet (United Dead Artists) sont en vente sur internet et, à Paris, à la librairie Un Regard Moderne : 10 rue Gît le coeur, 75006 Paris.
Illustration : Photo de Gilles Berquet, en couverture du Tendon revolver N°2.
Note 1/ "La régulation thermique s'effectue grâce au mouvement réflexe du muscle crémaster qui, en contractant le scrotum, rapproche les testicules du corps, rétracte le pénis, et épaissit la peau du scrotum lorsqu'il fait froid et inversement lorsqu'il fait plus chaud" (Wikipedia).
Il y a des filles qui dès le plus tendre âge ressemblent à des garçons. Une fois grandes, elles deviennent des hommes et passent, littéralement, de “l'autre côté”. Jusqu'au 31 octobre, Arte+7 diffuse un film plus que réjouissant sur quatre garçons pas comme les autres.
Dimanche 23 oct, à 22h50, la chaine Arte diffuse un documentaire (visible pendant une semaine sur internet ici) sobrement intitulé “Fille ou garçon” qui –de la façon la plus rafraichissante et simple– se contente de donner la parole à quatre personnes qui ont décidé de vivre en homme, vêtues de vêtements d'homme, dans un corps en apparence d'homme et avec des noms d'homme. Lynnee, Rocco, Kaleb et Miguel. Promenant sa caméra entre la France, l'Espagne et les Etats-Unis, la réalisatrice Valérie Mitteaux leur a posé les mêmes questions: ça veut dire quoi “être un homme” pour vous ? Est-ce que le fait de passer pour un homme vous a appris des choses sur la société ? Est-ce que vous êtes des hommes ou des trans ? Leurs réponses sont surprenantes, drôles, parfois même excitantes. Elles donnent en tout cas beaucoup à réfléchir.
“Les gens me demandent toujours si je suis un homme ou une femme. Je leur réponds : “Mais pourquoi tu me demandes ça ? Est-ce que j'ai l'air de savoir ?”. Lynnee Breedlove, la chanteuse déjantée du groupe de rock-punk Tribe8, fait partie de ces “garçons manqués” qui ne parviennent jamais à mettre des robes sans se sentir curieusement empruntés. Comme si la robe était un déguisement. Non, décidément, “fille” c'est pas leur style. Mais c'est quoi alors leur style ? Ils/elles ne savent pas. Peu importe, répondent-ils, face à la caméra de Valérie Mitteaux : “Peu importe qui nous sommes. Nous sommes nous-même en tout cas. A défaut d'entrer dans une catégorie précise, nous essayons d'être heureux en étant nous-mêmes”. On les appelle trans car ils choisissent la voie transversale. Ni homme, ni femme mais quelque chose d'autre, quelque chose de très perturbant dans notre société binaire.
“Quand j'ai eu trois ans et que j'ai commencé à parler, raconte Lynnee, je criais “Je m'appelle Johnny, je m'appelle Johnny”. Donc les parents et l'entourage étaient un peu flippés mais ils sont fini par réussir à y mettre le holà. Ils me disaient : “Pas de poire pour Johnny”. Mon grand-père épluchait une poire et donc en gros me disait : si tu veux de l'amour, sous forme d'un fruit ou de n'importe quoi, si tu veux de l'attention, tu ne peux pas t'appeler Johnny. C'est le message que j'ai reçu. Donc je sautais sur les genoux de mon grand-père et je disais : “Je m'appelle Lynn”. Et il me donnait de la poire. Et je pensais “Ah la société n'accepte pas que tu dois Johnny”. Donc j'ai grandi, j'ai essayé d'être une fille. Quand personne ne regardait, j'essayais d'être un garçon. Et ensuite, quand je suis devenu gouine, je me suis autorisé à être un peu plus… moi-même”. Lynn devient donc ce qu'on appelle une butch, une lesbienne au style masculin. Manières de voyou, baskets sales, pantalons taille basse, poitrine écrasée sous des bandes velpeau ou du gros scotch noir… Elle se définit comme une femme puissante. Dans les années 90, autour d'elle, beaucoup de femmes entament leur transition et se font enlever les seins, puis prennent des injections de testostérone pour modifier leur corps et devenir des hommes. Pour Lynn, il s'agit de traitres. Pourquoi ces femmes veulent-elles devenir des hommes ? Parce qu'elles ont honte d'elles-mêmes ? Parce qu'elles veulent passer du côté des dominants ? Lynnee s'insurge.
“Au début des années 90, des potes lesbiennes ont commencé à transitionner. Ca m'a mis en colère. Je leur disais : pourquoi vous passez à l'ennemi ? Toute cette binarité, cette dualité du “eux contre nous”… Après des années où sans arrêt des potes disaient “Mon nom est Mike maintenant. Mon pronom est il. Sérieusement, ça n'a rien à voir avec le concept que tu as de la masculinité”, comme c'était des amis, j'ai fini par y regarder de plus près. Et puis… je me suis aperçu que c'était aussi mon histoire”. Sur le réfrigérateur de la maison qu'il/elle partage avec sa mère, Lynnee a accroché un dessin représentant un garçon manqué à côté de trois cases : “mâle”, “femelle”, “fuck you”. Aucune case n'est cochée. Lynnee n'est ni mâle, ni femelle, ni “allez vous faire foutre”. Elle est elle-même, plutôt bien dans ses pompes d'ex-écumeuse d'Amérique profonde. Son corps, elle n'y a jamais touché autrement qu'en faisant de la musculation, du vélo ou de la boxe.
Pour les serveurs de restaurant qui la croisent avec ses copines, ce n'est pas forcément très clair : certains l'appellent “Madame”, d'autre “Monsieur”. Lynnee s'en fiche. “Je ne prends pas de testostérone parce que les docteurs disent que c'est dangereux pour mon foie. Et je n'ai pas 8000 dollars pour me faire couper les seins. Donc je les bande (ou pas), je mets un pantalon, une veste, une cravate et je dis aux gens : “Voilà, je suis un mec, je préfère le pronom “il”. Il faut seulement me croire sur parole.” C'est toujours le même problème quand les trans essayent de se faire reconnaitre : on leur demande au nom de quoi. Ne sont-elles pas nées avec un vagin ?
“En France, quand tu veux avoir des papiers conformes avec ton genre, c'est un vrai parcours du combattant, explique Kaleb. Il ne suffit pas d'aller à la mairie. On est sur la liste des maladies mentales donc on n'est pas libres de disposer de nous-mêmes. C'est un psychiatre qui va décider à notre place si on est trans ou pas. Il faut donc avant toute chose passer par une équipe médicale. Un psychiatre, un endocrinologue, un chirurgien… Et il faut répondre à plein de critères : par exemple, il faut que tu saches depuis l'âge de trois ans que tu es trans et que tu en sois sûr. Ensuite il faut que tu aies un boulot. Il faut que tu n'aies pas d'enfant et que tu ne sois pas marié. Il faut que tu ne te sois jamais prostitué, que tu ne sois pas séropositif et enfin il faut que tu deviennes hétéro. Il faut que tu prouves au tribunal de Grande instance que tu as bien tout fait dans les règles : le psy, les hormones les opérations et surtout que tu te sois bien fait stériliser.”
En France, l'état part du principe que le trans est une personné née femelle qui se sent “homme” depuis sa petite enfance… Le problème, c'est que les notions d'identité homme-femme sont extrêmement subjectives et relatives. “Comment évalue-t-on un genre ? Comment évalue-t-on la masculinité ?”, demande Miguel qui s'insurge. S'il faut, pour être trans, devenir une caricature de macho poilu, pas question. Miguel revendique le droit d'être fragile… Miguel fait le ménage. Miguel lave les petites culottes de sa copine. Miguel refuse de dire qu'il y avait un “avant” et un “après” dans sa vie : il a toujours été ce qu'il est, peu importe les opérations chirurgicales ou les papiers d'identité. “Quand je suis allé voir le psychiatre, il ne m'a pas dit : “Miguel, aucun problème, tu peux vivre une masculinité différente. Tu n'es pas obligé de vivre une masculinité stéréotypée si cela ne te convient pas”. Non, il ne m'a pas dit cela. Le psychiatre m'a dit : “Tu es un homme ou une femme ? Décide-toi”. Moi j'en savais rien. Qu'est-ce que je devais décider. Je suis comme je suis ! C'est la case, le problème. C'est le marquage social, le problème pour la plupart des gens.”
Refusant d'être des caricatures de mâles, les trans FtoM revendiquent avant tout le statut de féministe : “En tant que garçon trans, j'ai été éduqué comme une fille et j'ai longtemps vécu en fille. En toute logique, je n'allais pas construire ma masculinité en partant de zéro, comme si je ne savais rien de la féminité mais à l'inverse en partant de ce que je sais de l'oppression subie par les femmes et sur cette base-là construire une masculinité”, insiste Miguel qui affirme avoir choisi la masculinité parce qu'il n'y avait pas de troisième option. “Je vais au masculin, parce que le système n'accepte que l'option masculine ou l'option féminine. Mais dans l'option masculine, je peux choisir de vivre comme un garçon sans abuser des privilèges du masculin.”
“Je n'étais pas bien traité par la société en tant que lesbienne butch”, raconte Rocco, qui se décrit comme une sorte d'espion sous couverture. Depuis qu'il ressemble à un homme, avec sa barbe, ses tatouages, ses muscles, sa poitrine et ses hanches viriles, il se fond dans la masse de ceux qu'il considère comme les “dominants” avec l'impression curieuse d'avoir retourné sa veste. “Transitionner, devenir homme et commencer à apprécier les privilèges du masculin a été très perturbant, avoue-t-il. C'était comme explorer un monde auquel je n'avais jamais eu accès et dont je n'avais jamais fait partie. Je pense que la plupart des hommes qui n'ont pas eu d'expérience transgenre ne réfléchissent même pas à ce qu'est le privilège du masculin… Je pense que le simple fait de marcher dans la rue et de se sentir en sécurité est un privilège masculin.” Rocco a beau dire ouvertement qu'il est trans, lorsqu'il sort dans la rue, pour les passants, il est un mec plutôt très viril et dans les commerces c'est à lui que les vendeurs s'adressent sur un ton nettement déferent. Rocco a beau s'en défendre, même sa petite copine est plus respectée quand elle sort avec lui. Avant, elle n'était qu'une lesbienne. On l'insultait. Maintenant, c'est une “fille bien” : elle s'est trouvée un “vrai mec”. Beaucoup de trans-boys se retrouvent malgré eux dans ce genre de situation. Du moment qu'ils se plient aux règles de ce monde qui veulent qu'un homme, un vrai, s'assoit en écartant les cuisses et marche dans la rue comme si elle lui appartenait, les voilà qui deviennent le gendre idéal.
“Moi je suis un garçon trans mais ça ne m'empêche pas d'être féministe, s'amuse Kaleb. Pour moi le féminisme, c'est chercher l'égalité homme-femme mais c'est aussi chercher la liberté d'échapper au classement hommes et femmes. Tant que les deux genres resteront bien clos, bien imperméables, il y a un des deux genres qui va garder des privilèges sur l'autre.” Il ne s'agit pas pour Kaleb d'entrer dans le genre “de l'oppresseur” mais de s'en approprier des codes… “J'essaye de trouver le meilleur parti de ce que j'ai pu apprendre dans chacun des deux genres. C'est clair que je ne suis pas un homme et je peux peut-être avoir pendant deux secondes l'apparence d'un mec, mais je suis avant tout trans. Je ne suis pas avant tout masculin. J'ose faire des choses féminines. Pour certaines personnes c'est inacceptable et ça suscite beaucoup de violence.” Pour Valérie Mitteaux, la réalisatrice du film, tout l'intérêt des trans réside dans cette double appartenance aux genres : étant capable de comparer la façon dont sont perçues et traitées les filles par rapport aux garçons, ils sont également capables d'en tirer des leçons et de proposer une troisième voie à la société. La voie de la sagesse ?
VALERIE MITTEAUX :
“C'est vertigineux de comprendre quand tu es perçu au masculin, à quel point le masculin est plus considéré, plus compétent, plus pro, plus fort (jusqu'à preuve du contraire), quand en tant que femme, tu es perçue par défaut comme faible et incompétente. Le faire percevoir au travers de personnes F to M me semblait particulièrement puissant et incontestable, dans un monde occidental où les hommes n'ont généralement aucune conscience de leurs privilèges ou font mine de, pour de ne pas devoir accepter d'y renoncer et où de nombreuses femmes considèrent que les luttes féministes sont des luttes obsolètes.”
LYNNEE BREEDLOVE :
“Je pense que le fait d'avoir été une personne qui a subi une certaine dose d'oppression liée à ce à quoi je ressemble ou je suis, ou à quoi ressemble ma “plomberie génitale”, j'ai plus de compassion. Je ne peux pas généraliser mais j'espère que la façon dont je me conduis peut servir d'exemple à d'autres personnes : comment être gentleman, comment être doux, compréhensif, respectueux, dans nos relations avec d'autres êtres humains ? C'est même plus une question de homme/femme ou d'avoir une bite ou pas. Mais plutôt de comment on se comporte envers d'autres êtres humains".
En 2000 un homme et une femme décident de modifier leur corps pour devenir le miroir l'un de l'autre. Le film racontant leur histoire d'amour sort en avant-première jeudi 20 octobre à Paris, dans le cadre d'un festival agité, Jerk-Off, consacré aux aventuriers du sexe.
Entre 2000 et 2007, deux amoureux ne cessent de passer sur la table d'opération afin que leurs corps deviennent semblables. «Cette démarche est une vraie histoire d'amour: se donner la vie, raconte Florence Fradelizi, programmatrice du festival Jerk-Off. Ne pas être jumeaux mais être deux parties d'une nouvelle personne, un être pandrogyne». Pour Florence Fradelizi, les progrès de la médecine nous permettent maintenant de rendre les vieux rêves possibles… Qui n'a jamais rêvé de ne faire qu'un avec son alter-ego? Le film qui sera projeté jeudi soir, 20 octobre, à 20h, au Nouveau Latina raconte cette étrange histoire sous la forme d'une succession de flashs et d'instants-souvenirs montés dans un désordre savant et poétique… A l'image de ces cut-ups qui servent de modèle esthétique au couple. Vouloir ne plus faire qu'un, en prenant un morceau de menton à l'autre, en échange d'un morceau de nez…
Tout commence en octobre 1959, lorsque Brion Gysin met au point sa technique du cut-up dans un petit hôtel de la rue Gît-le-coeur à Paris, et l'expose à William Burroughs. Il s'agit de couper des lanières de journaux, de livres, de poèmes ou de bandes magnétiques puis de les coller dans un ordre aléatoire pour faire surgir un sens nouveau du monde… Il s'agit, en brisant toute logique, toute linéarité, de produire à l'aide des mots et des sons une drogue nouvelle, une chose qui change votre manière d'appréhender la réalité…
En 1971, un étudiant anglais dont la grand-mère est medium rencontre les deux hommes et se fait initier par eux à cette technique qu'il applique à la musique, donnant ainsi naissance au mouvement industriel. Cet étudiant révolutionaire se nomme Genesis P.Orridge : il s'est fait, début 1971, légalement rebaptiser, en accolant deux mots antithétiques. La genèse et le porridge. En compagnie de celle qui deviendra Cosey Fanni Tutti (1), de Chris Carter et Peter "Sleazy" Christopherson (2), P.Orridge organise des concerts bruitistes qui flirtent avec la pornographie, l'automutilation, la scatologie, le paranormal et le sadisme.
Salive, sueur, sperme, sang : les quatre S règnent en maîtres sur l'empire des Sens, ce qui explique peut-être pourquoi les films d'horreur sont si souvent truffés de sous-entendus sexuels. Démonstration, à Lausanne au LUFF, un festival qui fait son ouverture sur un mega-show trans intitulé «All about Evil».
Mardi 18 octobre, le Lausanne Underground Film Festival (LUFF), dédié aux productions underground, place sa dixième édition sous les auspices des zombis, vampires et autres psychopathes. «Tout ce qui concerne le mal»: sous ce titre volontairement ironique, la soirée d'ouverture du LUFF promet d'être à la fois mouillée, trempée, baptisée et aspergée de liquides divers. Joshua Grannell, aka Peaches Christ, drag queen vedette des messes de minuit dédiées au cinéma bis à San Francisco, vient donc demain soir «avec ses copines drag en provenance directe de Londres et San Francisco» pour animer un programme contenant à la fois des shows déglingués et des projections… d'hémoglobine. Il s'agit de revoir des films ou extraits de film comme Evil Dead II ou Les seins qui tuent à l'aune d'une interprétation subtilement orientée: est si ces films de “monstres” n'étaient jamais que des films de trans et de trav ?
La confusion est mère de tous les vices dit-on. Raison pour laquelle, probablement, la marque Petit Bateau commercialise des bodies pour bébés, rose pour le garçon, bleu pour la fille, ah non, pardon, le contraire… Mais au fait, d'où vient ce code couleur?
Il n'est jamais trop tôt pour inculquer aux enfants les règles d'un système matrimonial qui prescrit les rôles bien distincts à la femme et à l'homme. Rose, couleur de la douceur, du sucré et du tendre. Bleu, couleur du ciel à explorer… Au 19e siècle, le poète Alfred Tennyson avait composé là-dessus quelques vers définitifs:
«L'homme au champ et la femme au foyer, L'épée pour l'homme et l'aiguille pour elle, A l'homme la tête et le cœur à la femme, A l'homme de commander, à la femme d'obéir, Tout le reste est confusion.»
Le body pour garçon, lui, énumérait en bleu les adjectifs : “courageux, fort, fier, robuste, malin, vaillant, rusé, habile, déterminé, espiègle, cool.”
L'affaire commence ici sous forme de Coup de gueule. Une internaute en colère envoie la photo des bodies au site Osez le féminisme qui, retouche l'image et superpose au body rose les mots: «Nul, ringard, sexiste, tocard, con, machiste». La photo, publiée par une féministe sur le Facebook de Petit Bateau, est supprimée. Un membre de Facebook crée alors une page parodique nommée "Concours Petit Matcheau". L'idée? Proposer un body "vierge" sur lequel les gens peuvent inscrire un slogan de protestation. Le site est supprimé à la demande de Petit Bateau. Un second site parodique intitulé Petit Blaireau est supprimé à son tour. D'autres parodies prennent la relève, comme celle-ci: «Femme de chambre» en rose, «chef du FMI» en bleu. Mais l'affaire s'essoufle. Aux dernières nouvelles, bien qu'il soit devenu impossible de les trouver sur aucun catalogue internet (mes recherches en tout cas n'ont pas été concluantes), les bodies incriminés sont toujours en rayon. La marque s'abstient de toute nouvelle déclaration, en espérant que les remous s'apaisent. D'ici quelques mois, tout sera oublié, probablement.
Pour dénoncer l'idée que l'esprit s'oppose au corps, l'artiste parisien Pascal Lièvre multiple les happenings mêlant sexe, sueur et philosophie. Son dernier fait d'arme: depuis samedi 8 octobre, il vend sur internet des slips kangourous d'un genre très particulier…
Dans Phédon, Platon décrit le corps comme «la prison de l'âme» et pose l'idée qu'il faut se délivrer de cette matière lourde et collante qu'est la chair, pour atteindre le ciel idéal des idées. Eros lui-même ne peut se réaliser pleinement qu'au fil d'une progressive sublimation, dit-il, inaugurant, en l'an 383 avant la naissance du Christ, la longue histoire du dualisme occidental. Dans notre civilisation mononothéiste et néo-platonicienne, le corps reste considéré au mieux comme une machine qu'il faut optimiser, au pire comme un obstacle, un ennemi, ce qui vous empêche d'être heureux. La chair est triste hélas et l'intellect ne se déploie librement que dans les éthers, loin au-dessus de la “vile matière”.
En 2008, par réaction contre cette opposition binaire corps-âme, l'artiste Pascal Lièvre se met à broder des noms de philosophes sur des slips pour hommes, puis demande à des modèles d'enfiler ces slips et de poser pour lui, tenant un livre de la main droite et caressant de l'autre l'énorme bosse qui gonfle leur slip customisé… «Je voulais mettre en scène une nouvelle génération d'hommes qui bandent pour la philosophie. J'ai photographié des hommes en érection lisant un livre du même philosophe dont il portait le nom brodé sur le slip. Les photos ont été exposées à La Flatland Gallery d'Utretch. Puis j'ai décidé avec ma galeriste Vanessa Quang, d'encadrer les slips qui avaient servis pour cette série photo et de les vendre.
Beaucoup de gens ensuite m'ont contacté pour savoir où on pouvait trouver ces slips, car ils désiraient les porter. Je me suis dit qu'il était temps de répondre à cette demande, mais je voulais garder l'empreinte artistique et ne pas me lancer dans une superproduction, je ne suis pas un fabricant de slips mais reste un artiste. Ce sont donc des multiples numérotés de 1 à 100, un peu le même principe que pour des lithographies». Le nom de Platon, bien sûr, ne se trouve pas dans la liste des philosophes choisis par Pascal Lièvre. Il leur préfère Deleuze, Freud, Foucault et surtout Nietzsche qui, pour lui, marque un véritable tournant dans l'histoire de la philosophie: «Pour moi, tout commence avec Nietzsche et avec cette déclaration dans Zarathoustra: “Je suis un corps tout entier et rien d'autre chose; l'âme n'est qu'un mot pour une parcelle du corps”. Nietzsche me semble être le philosophe de la rupture, celui met en route la deconstruction de la métaphysique, qui met fin à cette séparation du corps avec l'âme ou l'esprit.»
Il existe une forme revancharde et perverse de féminisme qui consiste à jouer de ses charmes pour mettre les hommes à ses pieds. En quelque sorte : les prendre à leur propre piège. Mais que vaut cette soi-disant émancipation ?
Catherine Hakim, pseudo “sociologue”, vient de publier un livre qui fait controverse : Honey Money, the power of erotic capital. Traduction : “Tu me donnes la trique, je te donne du fric. Le pouvoir du capital érotique”. J'avais déjà parlé de cette notion plus que douteuse de “capital érotique” dans un article de 2010. Les idées pernicieuses de Catherine Hakim soulèvent une nouvelle vague d'indignation. Non contente d'affirmer qu'il est normal de réussir en jouant de ses charmes, la britannique enfonce le clou en prétendant qu'elle est féministe. Féministe ?? “Les femmes n'ont pas encore appris à exploiter la mine d'or qu'elles sont”, explique-t-elle, encourageant toutes les femmes à s'habiller sexy, à mettre en avant leurs seins et à onduler des hanches au bureau afin de faire avancer leur carrière. Les “belles femmes” gagnent 12% de plus que les autres, ajoute-t-elle pour appuyer ses dires (1). Pour Catherine Hakim, de toute évidence, le féminisme ne consiste pas à être ce que l'on est, sans honte et sans tabou, ni à s'épanouir dans son corps et dans sa sexualité. Il consiste à manipuler les hommes, en leur tendant un décolleté profond… comme une carotte.
Rappelons que Catherine Hakim travaille à la London school of Economics, qui forme les battants et les super-winner : on se doute que la sociologie ici pratiquée relève surtout du coaching. Tous les moyens sont bons dans cette école de l'ultra-libéralisme. Y compris gérer sa sexualité dans le cadre d'un plan-carrière… Le féminisme de Catherine Hakim est donc profondément marqué par cette idéologie du rendement à tout prix : pour elle, les femmes ne devraient prendre conscience de leurs pouvoirs que pour obtenir des avantages matériels, dans le cadre de rapports de force économiques et politiques. Ce point de vue est vulgaire, mais il est indéniable que dans les faits, ça marche : les gens beaux réussissent effectivement mieux dans la vie. Les gens qui semblent avoir une vie sexuelle bien remplie dégagent également plus de charisme et se distinguent du lot : on leur prête plus d'attention. Il est certain que cela joue en leur faveur sur le plan professionnel. “On peut d'ailleurs chiffrer le prix de la beauté, raconte Sonia Arnal, dans un article consacré au livre de Catherine Hakim : à compétences et formations égales, un bel homme gagne en moyenne 17% de plus que ses collègues moins attrayants”. De nombreuses études ont confirmé ces faits : les personnes de grande taille, aux formes athlétiques, aux traits harmonieux, gagnent mieux leur vie. Et pour cause. Mais de ce simple constat -qui relève presque de l'évidence et qui concerne les deux sexes– Catherine Hakim a tiré des conclusions plus que douteuses : puisque ça marche, profitons-en à fond, suggère-t-elle.
Encourageant de façon implicite les femmes à fréquenter les salles de fitness et les cabinets de chirurgie esthétique, son livre ne se contente pas de dire que la position sociale d'un individu dépend autant de sa culture, de sa fortune que de sa beauté… Il affirme qu'une femme doit investir aussi bien dans sa formation intellectuelle que dans l'achat de tailleurs fendus, de talons hauts et de rouges à lèvre. Histoire de gravir plus vite les échelons. “Attention, je ne dis pas que c'est nécessaire pour faire carrière, ni qu'on doit accepter des avances si on n'a pas envie (source : Le Matin). Je dis que c'est une option parmi d'autres, et que les femmes qui font ce choix doivent s'assurer qu'en échange, elles obtiennent un bon prix, parce que leur capital érotique a une grande valeur, qu'elles sous-estiment.” On pensera ce qu'on veut du cynisme latent de ce genre d'affirmation. Là où Catherine Hakim fait véritablement scandale c'est lorsqu'elle prétend que les femmes sont bien plus douées que les hommes pour mettre en avant leurs avantages physiques.
A l'en croire, les femelles du genre humain sont “naturellement”, “génétiquement” douées pour séduire les mâles. Mieux encore : elles ont moins de besoins sexuels, ce qui leur permet de négocier pied à pied au lit et de faire payer le prix fort en échange d'une gâterie. Appuyant ses affirmations sur des études bidon, Catherine Hakim établit en dogme “scientifique” ces vieux préjugés qui frappent les femmes depuis des siècles. Il est étonnant de penser qu'en 2011, des gens puissent encore croire que les femmes ont moins de libido que les hommes, et que cela les avantage puisqu'elles en profitent traîtreusement pour demander de l'argent ou des cadeaux en échange… Catherine Hakim oublie un peu vite que les désirs sexuels des femmes sont -dans toutes les sociétés depuis l'apparition de l'agriculture- jugulés et tenus sous contrôle pour des raisons qui tiennent strictement à des questions de patrimoine : les hommes ont besoin d'être sûrs qu'ils transmettent leurs biens à leurs héritiers légitimes (et non pas au fils du voisin). C'est donc aux femmes que l'on attribue, dans toutes les sociétés humaines, la responsabilité de la faute. Ce sont les femmes que l'on brûle comme sorcières, que l'on enferme dans leur chambre, à qui l'on pose des ceintures de chasteté, que l'on tue en cas d'adultère, que l'on excise et que l'on culpabilise. Ce sont les femmes qui apprennent depuis des millénaires à taire leurs désirs, car ces désirs mettent en danger l'ordre social.
Passant totalement sous silence cette notion essentielle de la sociologie (la repression de la sexualité féminine), Catherine Hakim affirme donc avec une bêtise ahurissante que les femmes ont moins de libido et de désirs que les hommes. Décrétant que dans le monde entier les hommes passent leur temps à quémander du sexe à des épouses qui ont mal à la tête, Catherine Hakim affirme qu'il y aurait, “sur le marché des relations sexuelles”, une “demande” (des mâles frustrés) “totalement supérieure à l'offre” (des femelles semi-frigides). Et que les femmes feraient bien d'en profiter un peu plus. Les femmes seraient donc des serpents froids et manipulateurs par nature ? Encourager les femmes à faire du chantage au sexe serait une forme de féminisme ?
Pour en savoir plus sur Catherine Hakim et le "capital érotique" : "Soyez érotique, devenez des battants". Pour en savoir plus sur pourquoi les femmes donnent l'impression d'avoir moins de besoins sexuels que les hommes, ce que Catherine Hakim surnomme le "male-sex deficit" (sic) : une interview de Françoise Héritier (Le Point)
Note 1 : On notera que même lorsqu'elles se font remarquer pour leur "beauté", les femmes gagnent toujours moins que les hommes. Les beaux mâles gagnent en effet 17% de plus que leurs collègues moins séduisants.
Il existe parmi les adeptes du Sado-Masochisme une sous-catégorie de dominatrices qui s'auto-baptisent money-mistresses. Elles demandent de l'argent en échange de… rien. Les soumis payent et ce seul acte -censé leur procurer toute satisfaction- fait d'eux des money-slaves, des «esclaves par l'argent».
Sur le site Money Slavery, une dizaine de financial dominatrix exigent un virement sur leur compte bancaire «sur le champ et que ça saute, misérable avorton». Le ton est donné. A coups de mots qui claquent comme des fouets, les “maîtresses par l'argent” exercent leur pouvoir à distance, par le seul biais d'expressions verbales comminatoires, d'insultes et de moqueries. Leurs noms même annoncent le programme: «Bratty Princess Tawny (Brat : garce) t'allume! Elle prend ton fric, ta dignité et le peu que tu vaux», «Domina Dorothy Demanding Pimptress call now!» (Pimptress: jeu de mot sur Pimp, "proxo", "souteneuse", et Mistress. Le soumis n'a plus qu'à faire le trottoir: sa méchante domina relèvera les compteurs). «Evil Domme Torments YOU. Ton porte-feuille n'est qu'un début. La Dom Maléfique va te LESSIVER!».
Qui pourrait bien avoir envie d'envoyer de l'argent à ces femmes anonymes? Il existe pourtant des hommes que la seule perspective de se faire "plumer" excite considérablement.
Voici ce qu'explique une de ces dominatrices adeptes de "la servitude financière”: «Internet a rendu possible quelque chose qui ne l'était pas jusqu'alors. Se rencontrer sans se voir. Beaucoup de money slave n'ont jamais vu leur "maîtresse", ne la verront jamais et n'espèrent même pas la voir un jour. Bien souvent c'est cet aspect qui rend encore plus excitant le petit sentiment de culpabilité que connaît le money slave lorsqu'il fait son virement par internet ou qu'il met son enveloppe pleine de billets dans la boîte aux lettres. Quoi de plus excitant que de travailler pour rendre la vie plus facile à une vénérable inconnue ? Beaucoup d'esclaves alignent deux emplois (le deuxième souvent humiliant) voire même se prostituent afin de se faire plaisir en rendant la vie de leur maîtresse vénérée encore plus agréable».
«Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux.» (La Boetie).
Quelques sites internet: Lady Money-Slavery (la gynarchiste), Money Mistress (photos de filles qui manipulent des liasses de billet d'un air triomphant), Humiliatrix sessions (lignes de téléphone surtaxées permettant de se faire maltraiter verbalement), Mistress Kiara (votre perte est ma victoire, "your loss is my gain"), Money Slavery France (dédié aux adeptes des relations entre Femmes dominatrices vénales et larbins moneyslaves).
Illustration sur la home de Libération cc BY Markusman sur Flickr
A la fin des années 80 au Japon, les hommes d'affaire se mettent à table sur une femme nue, si possible vierge, pour manger des sushis sur son corps. Cette pratique érotico-culinaire, le nyotaimori, maintenant disparue du Japon, a été adaptée aux Etats-Unis sous une forme pudibonde, faussement chic et complètement dénuée de ce qui lui donnait son sens véritable.
Au plus fort de la bulle économique, ne sachant plus comment dépenser leur argent, les Japonais ont créé le nyotaimori: un corps-table décoré de poissons crus, d'algues et de fleurs sur lequel ils pouvaient picorer de leurs baguettes tout en négociant des contrats… et en parlant de sexe. Cette pratique défoulatoire, en apparence ultra-machiste, consistait pour l'essentiel à tester la capacité de résistance d'une femme, livrée aux regards et aux baguettes comme un saint jeté dans la cage aux fauves... Les clients appréciaient que cette femme soit "pure", afin que le contraste rende plus sublime encore sa prestation: une vierge impassible recouverte de fange, tenant tête aux hommes, capable de rester impassible en dépit de tout... Tel était le sens profond du nyotaimori: une épreuve.
Créateur en 2005, d'un service de "body-sushi" à domicile, l'Américain Steve Gagnon perpétue en Floride cette tradition culinaire coûteuse et extravagante, qu'il a si totalement édulcoré qu'elle en a perdu tout son sens. Ses clients sont essentiellement des entrepreneurs, qui pour agrémenter leur repas d'affaires sont prêts à payer le prix fort afin de déguster la chair crue de poisson sur la peau nue d'une top-modèle. Allongée, impassible, celle qui sert de support à cet étrange festin ne doit pas bouger d'un cil alors que les invités se servent sur ses cuisses, son ventre et autour de son pubis…
Les Prolégomènes de Haldernablou, premier texte d'Alfred Jarry édité au "Mercure de France" en 1894 alors qu'il avait 19 ans, viennent d'être publiés aux éditions United Dead Artists, accompagnées d'illustrations ouvertement homoérotiques. Et pour cause.
«Écoutez ce que je vis suspendu sur l'étoile Algol cependant que tombait la pluie de soufre». Ainsi commencent Les Prolégomènes de Haldernablou, description apocalyptique de la ville de Sodome anéantie par Dieu… Le poème s'achève par une courte pièce en deux actes, racontant comment le page Haldern coucha avec son maître Ablou et fut tué par lui, afin que leur relation touche à l'absolu. Illustré de mystérieux dessins noirs et blancs par Tom de Pékin, l'histoire de cet amour à mort se décline au fil de scènes surréalistes, éclairées par une lune propice aux métamorphoses: des corps cagoulés s'enlacent dans l'ombre de forêts exotiques, le pénis de Dieu prend la forme d'un scolopendre et des hermaphrodites aux ailes de chauve-souris s'envolent au milieu des étoiles… accompagnant un texte très inspiré par Les chants de Maldoror. «Écoutez ce que je vis suspendu sur l'étoile Algol cependant que tombait la pluie de soufre et comment j'aurais recueilli les pennes du Poisson volant si je ne m'étais attardé pour écouter les quatre oiseaux symétriques devisant sur le calvaire».
Peu connu du grand public, ce court récit érotique et baroque éclaire d'un jour inattendu la vie d'Alfred Jarry. L'auteur d'Ubu roi et du Surmâle était donc homosexuel? On sait en tout cas qu'il détestait “le sexe faible”, ou plutôt (comme Nietzsche peut-être) qu'il ne supportait pas ce à quoi les femmes de son temps avaient été réduites: au mieux des épouses rangées. Parfois des hystériques. «La misogynie de notre auteur était célèbre, raconte Hubert Juin (spécialiste des lectures «fin de siècles»). Mais il disait aussi qu'il était prêt à aimer une femme qui le vaudrait (le «double» au sens, peut-être, où l'entendait Péladan), ajoutant aussitôt qu'il n'était sans doute pas à la veille de rencontrer une telle créature miraculeuse… J'incline à penser que des visites précoces aux maisons closes -par bravade- le détournèrent des joutes amoureuses. Et je soupçonne, par ailleurs, que Jarry, cet isolé, avait soif d'amitié. Cela fit un drôle de mélange. Rachilde (la femme du créateur du Mercure de France, NDR) laissait entendre qu'Haldernablou était la projection d'une entente fort vive qui s'était nouée, à Paris, entre Jarry et Léon-Paul Fargue, au grand déplaisir, paraît-il, des parents de ce dernier, lesquelles accusaient Jarry (déjà!) d'exercer sur leur fils la plus détestable des influences.”
Que Jarry ait eu un penchant pour les hommes, cela se peut fort en effet, car plusieurs de ses oeuvres parlent d'amours homosexuelles (1). Mais son éducation religieuse était telle que Jarry ne put probablement jamais transgresser l'interdit posé sur ce qu'on nommait alors l'uranisme (Uranus désignant l'anus) et qu'il appelait pudiquement l'adelphisme (l'amour du frère, forcément impossible). Comme beaucoup d'homosexuels réprimés avant et après lui - Mishima, Pasolini, pour ne citer que les deux plus connus - Jarry cultiva donc avec masochisme l'idéal d'un amour sublime, rédimé par la mort. Puisqu'il lui fallait réprimer ses désirs, il les condamna à mort, partant en guerre contre lui-même et contre tout ce qui, à ses yeux, pouvait évoquer «la pourriture, cette forme de l'amour» (2).
Même quand ils sont petits, les seins des femmes sont toujours bien plus gros que ceux des femelles des autres espèces. Il existe une étrange théorie pour expliquer cette disproportion anatomique étrange: les seins seraient des fesses postiches, collées sur la poitrine de la femme pour attirer le mâle.
L'idée que le seins sont des reproductions de fesses a été avancée par l'Anglais Desmond Morris, zoologue également connu comme "peintre surréaliste" (dixit Wikipedia). Curieux personnage que ce Desmond: en 1957, il expose des toiles qui ont été réalisées par son chimpanzé Congo. Dans les années 60, il présente une émission de TV intitulée Zoo Times. En 1967, il publie un best-seller Le singe nu, qui se vend à plus de dix millions exemplaires et dans lequel il affirme que si les femelles du genre humain possèdent des seins aussi gros (alors qu'elle pourraient très bien allaiter en ayant la poitrine plate, tout comme le font les autres primates), c'est parce qu'en se redressant, passant de la position simiesque à la position d'être-qui-marche-debout, l'humain aurait changé de position sexuelle. Lorsqu'ils coïtaient à tergo, les mâles humains étaient très stimulés par la vision des fesses qui s'offraient à eux… Adoptant progressivement la position en face à face pour copuler, ils se seraient retrouvés fort frustrés de ne plus avoir sous les yeux la vision de deux globes séparés par une fente… D'après Desmond Morris, les seins des femelles humaines auraient alors pris du volume pour rappeler par mimétisme un gros cul.
Parmi les mammifères, la femelle du genre humain est la seule à posséder des glandes mammaires hypertrophiées, dont la taille excède les fonctions, de très loin semble-t-il. Au moment où Taschen publie The Big Book of Breasts 3D, il est temps de se pencher sur l'énigme.
Après The Big Book of Breasts, publié en 2010, Taschen récidive avec un «Gros Livre des Seins en trois dimensions» (The Big Book of Breasts 3D), qui en jette plein les mirettes: lorsqu'on enfile les lunettes spéciales, fournies par l'éditeur, les photos semblent littéralement vous sauter à la figure. Faut-il y voir une coïncidence? La femelle humaine serait la seule «dans la zoosphère» à posséder des attributs mammaires aussi proéminents. Paradoxalement, très peu de scientifiques ont tenté d'en comprendre la raison. Le mystère est pourtant inouï. «Toutes les femelles mammifères possèdent des tétons, mais leurs glandes mammaires restent rudimentaires en-dehors des périodes de lactation. Ce n'est que chez les femmes que ces glandes sont devenues permanentes, proéminentes et d'un volume très supérieur à celui nécessité par leur fonction nourricière, affirme le sociologue et psychanalyste Manuel Periáñez. L'absence quasi-générale de réflexion sur ce thème a de quoi surprendre».
Estimant que les pis gonflés des vaches ne sauraient être tenus pour des "seins", Manuel Periáñez met de côté le cas des vaches laitières, et affirme: «Les femelles du règne animal allaitent tout aussi bien et parfois mieux que les femmes, malgré la modestie de leurs glandes mammaires». La fonction des seins n'est donc pas seulement celle de l'allaitement. Ecartant l'idée du hasard, ou d'une aberration génétique propre à l'espèce humaine, le chercheur propose plusieurs explications. Première théorie: et si le sein n'était qu'une sorte de matrice externe? On sait que les bébés humains sont, à la naissance, imparfaitement formés (leur cerveau ne représente qu'un quart de sa taille définitive, par exemple) et très faibles… La gestation dure plus longtemps chez l'homme que chez tous les autres primates. Certains psychologues en ont déduit que les bébés humains naissaient “à l'état d'embryon” et pouvaient être considéré comme des bébés nés avant-terme. Pour Manuel Periáñez, pas de doute, la fonction du sein «serait celle d'offrir pour le maternage du nourrisson, très immature chez l'humain, une "nidation externe" dans l'optique de Winnicott, visant à surmonter la "catastrophe" de la naissance.»
Il y a souvent en matière d'érotisme des histoires d'os en plus ou en moins: des os qui manquent, des os perdus ou des os superflus dont la présence ou l'absence est liée au désir. Un désir sexuel tel qu'il vous transperce jusqu'à l'os.
En argot anglais, pénis se dit “bone”. En Français, certains hommes désignent aussi leur sexe comme un “os” (1), en ajoutant au mot cette nuance sémantique supplémentaire de “faim rendue tenaillante” comme celle des chiens qui rongent leur os… Bien qu'on en fasse souvent la métaphore du désir mâle, l'os n'est pourtant pas exclusivement masculin. Il symbolise à la fois l'érection et l'objet vers quoi tend l'érection. Il est ambigu, comme toutes ces formes cylindriques qui sont à la fois des tuyaux et des tubes, des boyaux et des seringues, des conduites qui absorbent et des pipes qui perforent, des manches qui pénètrent et des buses qui avalent… La forme de l'os – long et dur comme une tige – peut évoquer aussi celle d'un couloir utérin: certains os sont creux et contiennent une moelle à la substance dit-on substantifique…
Il n'y a finalement pas tant de différence que ça entre les sexes, disent les psychanalystes. Il suffit de les retourner: leurs formes sont symétriques et leur nature profondément duelle… S'il faut en croire les chirurgiens, rien de plus simple d'ailleurs que créer un vagin à partir d'un pénis et réciproquement: on retourne l'organe comme une chaussette. Sur ce sujet, le journaliste Etienne Dumont menait récemment une reflexion très similaire dans un article consacré aux entonnoirs, objets hyper-sexués s'il en faut: «Masculin à l'extérieur et féminin à l'intérieur». Dans cet article intitulé «Un artiste submerge Perpignan d'entonnoirs au nom de la sexualité», Etienne Dumont faisait remarquer l'étonnante androgynie de cet objet en apparence anodin. Pour l'artiste Marc-André 2 Figueres, qui décline les entonnoirs à l'infini, : «cet objet prouve la dualité du féminin et du masculin. Il contient la féminité et incarne la virilité à l'extérieur.» Dumont ajoute : «Il vient ainsi d'ériger au centre de Perpignan, la ville favorite de Salvador Dalí, un spécimen de trois mètres de haut. Comme ça, au moins, personne ne peut le manquer».
Mais revenons à nos os. Bien que les os évoquent le plus souvent un pénis, ils portent en eux une telle part de féminité que même la Bible en parle. Dans la Genèse, Dieu crée Eva à partir d'une côte d'Adam. Adam avait, semble-t-il, besoin d'une compagne… Elle prit naturellement la forme de cet os qu'Adam frottait dans la solitude, tenaillé par son désir. Dans le texte, on situe pudiquement cet os du côté de la cage thoracique… Doit-on y voir une forme de romantisme? La côte se trouvant près du coeur, il faut peut-être voir dans ce mythe une jolie marque de galanterie. Les théologiens ont certainement des interprétations différentes au sujet de cette fameuse “côte d'Adam”. Pour les psychanalytes, il semblerait en revanche que l'interprétation la plus couramment adoptée soit celle fournie par Lacan.
Mercredi 31 août, 80 élus UMP (soit près du quart des 344 députés UMP), ont écrit au ministre de l'Education nationale, Luc Chatel, pour lui demander de faire interdire un manuel scolaire. Ce manuel de SVT (Sciences et vie de la terre) publié par Hachette à l'attention des classes de première L et ES contient en effet une phrase qui, aux yeux des députés, relève de la contre-vérité: «Le sexe biologique nous identifie mâle ou femelle mais ce n'est pas pour autant que nous pouvons nous qualifier de masculin ou de féminin. Cette identité sexuelle, construite tout au long de notre vie, dans une interaction constante entre le biologique et contexte socio-culturel, est pourtant décisive dans notre positionnement par rapport à l'autre».
Cette phrase résume une thèse connue outre-atlantique sous le nom de “gender theory” (la “théorie des genres”), qualifiée de “néfaste” par les députés UMP qui y voient l'influence pernicieuse des Etats-Unis… Christine Boutin aurait même qualifié cette théorie de “marxiste”, oubliant un peu vite que la “théorie des genres” a pris naissance sous l'influence d'intellectuels français comme Foucault et Derrida (pas grand chose à voir avec le marxisme). En France, cette théorie qui n'a pas vraiment de nom (féminisme humaniste ?), se résume en une phrase célèbre : «On ne naît pas femme, on le devient». A quoi il faut bien sûr rajouter: «On ne naît pas homme, on le devient».
Il existe différentes manières de faire des expériences sans pour autant tromper son conjoint: pourquoi faire dans son dos ce qu'il/elle aimerait peut-être faire aussi en votre compagnie? On a donné à ces solutions de "vie en couple avec multi-partenaires" le nom d'échangisme. Mais ce mot regroupe toutes sortes de pratiques. Les clubs échangistes n'en reflètent que l'aspect le plus superficiel. Témoignages.
Agathe, 30 ans, danseuse
«Au début, j'étais curieuse. Mais comme j'avais été élevée par des bonnes soeurs, pour moi le sexe c'était à deux, pas à quatre. Et encore moins à six ou plus! La première fois que je suis allée en boîte, c'était avec mon actuel mari, David (que je venais de rencontrer). J'étais contente, parce que j'étais bien avec lui. Mais on n'a pas pratiqué l'échangisme tout de suite: longtemps, je me suis contentée, en boîte, de regarder les couples baiser... Ça m'intriguait. Et puis je suis un peu voyeuse. Je refusais qu'on me touche au début puis, progressivement, j'ai commencé à m'ouvrir. L'échangisme pour moi, ce n'est pas baiser avec plusieurs inconnus à la file. Je ne supporte pas les hommes du style "je te la mets et au-revoir". L'excitation, c'est un tout: le sexe, bien sûr, mais aussi la sympathie. J'aime quand on se donne du plaisir, mais j'ai besoin de discuter avec la personne, de me sentir bien avec... Voilà pourquoi, le plus souvent, en boîte, David et moi on ne fait rien: la communication est assez difficile dans ces endroits. Et puis souvent, il y a des personnes sales, des gens méprisables qui se font sucer et ne se préoccupent pas du plaisir des femmes... Il y a aussi des imbéciles en costard qui viennent pour exhiber leur fric et qui ne font rien d'autre que critiquer la plastique des filles...
Mon endroit préféré, c'était le Cléo, parce qu'il y avait des endroits insolites où l'on pouvait s'isoler loin des voyeurs. Il y avait même un magasin de vêtements sexy à l'intérieur, avec une cabine d'essayage entourée de glaces sans tain. Tout le monde pouvait voir les femmes qui se changeaient ! J'aime me déshabiller en public. Je me sens très "sexe" dans les décors qui laissent libre-cours aux fantasmes... Je pense que pour une femme, la meilleure heure pour aller en boîte, c'est en sortant du bureau avant de rentrer chez elle et de voir son sale mari qui grogne en exigeant la soupe... Elle va d'abord en boîte se faire sauter et quand elle rentre, elle a le sourire ! Il n'y a rien de mieux qu'un bon coup. Les femmes devraient plus souvent profiter des clubs échangistes. Evidemment, elles ne doivent pas se jeter en pâture aux mecs. Juste prendre du plaisir avec des hommes respectueux, propres, munis de préservatifs et sensuels... Il faut savoir ce qu'on veut et rester ferme.»